Manu l'énigmatique

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C'était vers la fin d'avril 1993, un très jeune homme marchait sereinement dans les rues d'Amiens. Il écoutait sur son walkman à cassette Two Princes du groupe Spin Doctors en remuant légèrement les lèvres pour épouser les paroles de la chanson. Il se rendait au lycée jésuite de la Providence, un établissement privé où il était élève en classe de seconde. Le sac à dos sur les épaules il regardait les voitures passer et songeait à l'amour. Une seule relation très épisodique avait ébranlé ses années de collège. Il en gardait un souvenir très mitigé, juste un bisou avec la langue qui ne lui avait provoqué aucun plaisir. Plus le temps passait, plus il se rendait compte d'une chose : les filles de son âge ne l'intéressaient pas, elles n'étaient pas assez matures, trop inexpérimentées peut être. Le problème c'était qu'il ne connaissait aucune fille plus âgée avec qui il aurait pu entamer une aventure.

Une fois arrivé au lycée il retrouva quelques uns de ses camarades de classe : Gaspard le matheux et Jean Jérôme l'acteur de théâtre. Ils s'étaient tous les trois liés d'amitié pour la simple raison qu'ils étaient les meilleurs de la classe, et qu'ils nourrissaient de vastes projets d'avenir. Gaspard se voyait ingénieur polytechnicien, Jean Jérôme membre de la Comédie Française, et Emmanuel écrivain ou troubadour.

-Eh Manu ! Eh Manu ça roule ma poule ? lui demanda Jean Jérôme. Prêt pour la prière du matin ?

-C'est déjà l'heure? Tu plaisantes gros couillon ? lui assena "Manu" en retirant ses écouteurs stéréos de ses oreilles.

-Bah moi je ne me fais pas mener par mon médecin de père au bahut !

-Je suis venu à pied aujourd'hui, je peux un peu rêvasser comme ça.

-Il a la tête dans les nuages le petit Emmanuel dis-donc ! T'es un drôle de type quand même ! dis Gaspard.

-Au fait Manu, l'audition pour le club de théâtre commence vendredi. Viens ! On va se marrer.

-Je sais pas Jean-Jean, j'ai d'autres choses à faire, je dois bosser mes maths.

-Le théâtre, ça sert toute la vie. Et puis, entre nous, c'est madame Auzière qui va s'occuper de ça.

-La mère de Laurence ?

-Ouais, elle est bonne.

Laurence était une fille de sa classe, une fille éprise de lui. Il ne s'en rendait pas vraiment compte, il avait souvent l'esprit ailleurs. Pendant le cours d'histoire elle s'était assise à ses côtés, le rose aux joues. Elle lui murmurait des petites remarques à l'oreille, pour attirer son attention. Emmanuel, fidèle à lui-même lui souriait avec séduction et lui lançait, par intermittence, des clins d'œil digne des plus grands séducteurs. A la fin du cours elle lui demanda :

-Au fait Manu, tu as commencé le devoir de maths?

-Pas encore. Et toi?

-En fait... je me disais..; comment dire... on pourrait le faire ensemble demain ? On a une heure de trou l'après-midi.

-Bon... OK, en marche pour demain alors !

-Génial !

Elle l'embrassa sur la joue et partie en courant. Manu se dit que cette fille était somme toute assez chouette, pas trop bête. Il pensa un bref instant à la perte de sa virginité. Puis il pâlit. Quelqu'un lui avait volé son porte feuille.


A suivre...

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