Le club de théâtre

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Laurence était à la bibliothèque, elle attendait le beau Emmanuel et pensait à la joie qu'elle pourrait ressentir en passant ses mains dans sa vaste chevelure ébouriffée. Elle avait pris de l'avance car l'excitation la rendait impatiente.

-Tu es déjà là ! entonna une voix suave.

-Oh! Manu... salut... tu es en avance toi aussi (elle se concentrait pour ne pas devenir écarlate).

Le jeune Macron revenait du bureau des surveillants. Il avait retrouvé son porte feuille, quelqu'un l'avait abandonné dans les toilettes du deuxième étage, une femme de ménage l'avait repêché. Il sentait toujours la lourde urine matinale et l'argent avait disparu. "Encore un coup de Daniel le membre des jeunesses communistes, et puis l'argent avait été dérobé certainement par la femme de ménage. Les pauvres gangrènent le monde" pensait Emmanuel. Une phrase de La Bruyère lui revint en mémoire : "Si la pauvreté est la mère de tous les vices, le manque d'esprit en est le père". Mais il s'efforça d'oublier ses tourments et déballa ses affaires pour commencer son devoir de maths.

-Dis-moi Lo-Lo, je peux t'appeler Lo-Lo ? Pourquoi n'as-tu pas demandé à Gaspard pour t'aider, il est plus fort que moi tu sais.

Le surnom improvisé de "Lo-Lo" n'était pas anodin, rien n'était anodin avec le fieffé Manu, il jouait avec les symboles et le langage pour troubler le monde. Laurence avait une poitrine déjà très arrogante pour son jeune âge, il jouait à la flatter. 

-Tu peux m'appeler comme tu veux... Gaspard tu dis ? Je le trouve un peu bizarre, et puis les gens trop fort en maths c'est des vicieux, j'en suis sûre.

Il se mirent à l'ouvrage, les équations du second degré étaient décidément un sujet emmerdant. Laurence tenta de lui faire du pied sous la table et, voyant le regard interrogateur de son beau camarade de classe, elle s'excusa ingénument. Puis une voix vint interrompre la monotonie de leur travail.

-Tu travailles tes maths ma chérie ? Tu es bien accompagnée à ce que je voix.

Ce fut comme une révélation. Manu aperçu la silhouette d'une femme blonde, d'un âge mûr, élégante et fascinante. Elle s'adressait à Lo-Lo avec franchise et tact, avec un exemplaire des Liaisons Dangereuses  de Laclos entre ses mains.

-Maman, je te présente Emmanuel Macron, il m'aide à faire mes maths.

-Enchanté madame, dit poliment le jeune homme.

-Mais j'ai entendu parler de toi, ton copain Jean Jérôme m'a dit que tu comptais rejoindre le club de théâtre.

-Euh... c'est-à-dire que j'hésite encore.

-Pourquoi hésiter ? Il m'a vanté ton charisme et tes aptitudes en littérature ton copain. Ce serait dommage de rater une occasion pareille (elle le regarda droit dans les yeux, il se sentit alors impuissant).

 -Je viendrai à la sélection, murmura-t-il comme forcé par quelque désir incontrôlable.

-A vendredi alors !

Elle s'éclipsa dans une grande majesté, Manu ne réussit plus à se concentrer sur son devoir.

-C'est ma mère, elle m'énerve à toujours me suivre comme ça. T'as de la chance de pas avoir de parent dans ton propre lycée, lui dit Laurence, ignorant le trouble de son camarade. Elle doit être jalouse de moi.

Ils continuèrent leur devoir. Le sourire de Lo-Lo fit petit à petit oublier à Manu la torpeur provoquée par madame Auzière. Cette femme était mariée, tout était dit, sa fille par contre semblait être une conquête facile. Daniel empruntait des livres à la bibliothèque (Le Capital de Karl Marx et du Spinoza), il ne lui accorda aucune attention. En sortant de la bibliothèque il la poussa vers la sortie en effleurant le haut de ses fesses  Après tout la chair des femmes est peut-être comparable au vin : entre un beaujolais et un grand crû de vingt ans d'âge il fallait choisir.

Le reste de la semaine se passa sans encombre, pour ainsi dire dans la lente redondance scolaire, studieuse, compétitive, et sans surprise. Lors de la remise de note du devoir de mathématiques Emmanuel et Laurence réussirent à battre Gaspard, l'euphorie de sa binôme concrétisait dans l'imaginaire de notre héro des perspectives de coït imminente. Mais...

... le vendredi arriva. Au midi les sélections du club de théâtre avaient lieux. Jean Jérôme et Manu attendaient devant la porte, excités comme jamais.

-Eh Manu ! Eh Manu ! Sois naturel, convainquant et fais bien passer l'émotion, c'est le principal. T'as du charisme, t'as une personnalité, t'es beau garçon,  en plus t'as un beau torse. Fais pas cette tête je t'ai vu dans les vestiaires en sport. On va illuminer la scène tous les deux. Tu vas voir ça va être passionnant.

Passionnant était le mot, un épisode crucial de sa vie allait advenir, et dont les répercussions, additionnés aux intrigues allaient façonner le roman de sa vie.


Emmanuel Macron : les originesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant