2. J'm'appelle Camille, et toi ? (2/2)

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Complètement piteux, Kilian passa le reste de la séance recroquevillé sur lui-même à miauler et à laper son lait, laissant Aaron aborder avec le dessinateur le roman de science-fiction qu'il souhaitait écrire. Après lui avoir présenté le pitch de départ et son idée centrale qui était de mettre en situation l'avatar de son amoureux, il demanda à Gabriel s'il acceptait d'en faire des illustrations, ce à quoi ce dernier répondit par la positive à condition que lui aussi serve d'inspiration pour un personnage.

« T'en fais pas pour ça, c'est déjà prévu ! Ton perso devrait s'appeler Gabri-el, une sorte d'ange ambiguë et taquin super cool avec de beaux yeux bleus. Il va en faire voir de toutes les couleurs à mon héros, Kili-an. Celui-là, il va prendre tellement cher, le pauvre, ça va être génial ! »

En entendant qu'on parlait de lui, le blondinet grognonna comme une bête sauvage. Les regards sévères que ses deux camarades lui adressèrent en symbiose le calmèrent immédiatement et le firent couiner et baisser la tête, tel un animal de compagnie doux et docile. Un peu troublé, il n'osa même pas se plaindre de ce qui lui semblait être du sadisme maladif envers sa personne. Non content de le disputer lui, il fallait en plus qu'ils s'en prennent à son alter-égo dans l'histoire d'Aaron, personnage qui semblait n'exister que pour souffrir pour leur bon plaisir. S'il n'avait pas déjà épuisé tout son quota de bouderie de la journée, il en aurait bien remis une couche. À la place de quoi, il posa juste sa tête sur un coussin en attendant que l'artiste finisse son ouvrage. Trop bougonner était une mauvaise idée, cela l'aurait empêché d'écouter la discussion, passionnante, que menaient Aaron et Gabriel sur les étapes de la création d'un univers de fiction.

Enfin, Gabriel mit un point final à son œuvre, qui bien qu'elle représentât deux adolescents enlacés et dénudés, semblait intacte de toute vulgarité. Kilian proposa de l'accrocher au mur dans sa chambre en souvenir de cette séance. Aaron le menaça de la lui faire bouffer s'il continuait à se comporter de manière aussi niaiseuse.

Après avoir remercié leur hôte pour l'après-midi passée à ses côtés et rhabillé Kilian qui gambadait les fesses à l'air dans tout l'appartement pour se dégourdir les articulations, les deux amoureux filèrent vers l'hôpital pour prendre des nouvelles de Cédric. Et comme d'habitude, Geneviève, l'infirmière qui s'occupait du jeune adulte ne put que poser sa main sur l'épaule de l'adolescent aux cheveux aussi blonds que les blés. Une fois encore, en voyant son frère paralysé dans son pyjama pâle, Kilian ne put retenir ses larmes. L'enlaçant par derrière, Aaron lui murmura des mots doux que seul le bel adonis put entendre.

Main dans la main, ils sortirent du grand bâtiment décoloré avant de se poser sur un banc juste à côté. Pendant de longues minutes, l'adolescent aux yeux verts grommela en essayant de sécher son visage. C'était tellement injuste. Il aimait tellement son frère. Il voulait tellement le voir sortir de cet enfer blanc. Dans ces moments-là, même le geste de l'infirmière qui lui avait donné son numéro de téléphone pour qu'il puisse toujours se tenir au courant de l'état de Cédric ne suffisait à lui remonter le moral. Seule la sensation dans son dos de la paume d'Aaron glissée sous son t-shirt lui faisait du bien.

Enfin, après plusieurs minutes perdu dans ses pensées, Kilian soupira et se tapota les joues avant de se lever brusquement.

« Allez, c'est bon, j'pète la forme ! Viens, on traine, j'ai pas envie de rentrer tout de suite, paye moi une glace ! »

CamilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant