LE VENT S'INFILTRAIT DANS SES CHEVEUX CHÂTAINS, qui lui frôlaient le dos à chaque fois qu'elle posait le pied au sol. Son visage aux traits fins gardait son air impassible, malgré l'intense sentiment d'impuissance qui l'assaillait.
Le sort la protégeait, elle et les deux nourrissons qu'elle tenait à bout de bras. En revanche, il n'assurait pas la sécurité des citadins autour d'elle.
Le feu détruisait tout. Sa couleur violette peu habituelle était la marque de fabrique d'une personne qu'elle connaissait bien. Il consumait les toits de chaume, engendrant une fumée épaisse et particulièrement mortelle. Les braises s'envolaient vers le ciel noirci par les cendres.
Les habitants fuyaient leur maison, courant jusqu'à la rivière. Le seul endroit que les flammes meurtrières ne pouvaient atteindre. Ils criaient, rassemblant le peu de biens qui leur restaient. Les hommes chargeaient des sacs de toile, y emportant argent et nourriture. Les femmes portaient leurs bébés, serraient les mains de leurs enfants.
D'autres avaient été incapables de prendre la fuite. Leurs corps carbonisés gisaient sur le pavé ensanglanté.
Peanor frissonna, nauséeuse. Bientôt, des larmes brûlantes perlaient au coin de ses yeux. Elle aurait aimé pouvoir leur venir en aide. Mais l'incendie avait été crée pour lui résister, et elle le savait.
Elle cheminait telle une ombre, un fantôme en pleine apocalypse. Les bébés dormaient profondément, ne ressentant pas le moins du monde le sentiment de panique provenant de l'extérieur de la bulle qu'avait créée leur mère.
Celle-ci s'efforçait de ne pas s'effondrer, de résister à la vue du sang de ses sujets sur le sol. Les voir souffrir sans pouvoir leur porter secours lui était insupportable.
Peanor arriva aux abords de la rivière essoufflée et en sueur. Le poids de ses filles semblait s'alourdir de plus en plus. Les citadins avaient pris d'assaut les barques de pêcheur, et ramaient avec ardeur pour échapper au feu de l'enfer. Ceux qui n'avaient pas eu accès à ces précieuses embarcations commencèrent à nager, mais le courant était fort. Dans un cri rauque, un homme fut happé au fond de l'eau gelée.
La reine courut à son tour, suivant les habitants dans leur mouvement désespéré. Son regard vert sombre parcourut rapidement les lieux, avant de s'arrêter sur une des barques. Une femme maigre y était installée, accompagnée d'un petit garçon aux yeux sombres et aux cheveux bruns ébouriffés. Elle remplissait le petit bateau de provisions, majoritairement des fruits. L'enfant scrutait Peanor, tenant dans son poing serré un animal de paille. Il avait le visage mouillé de larmes et les yeux empreints de détresse.
Peanor s'approcha de lui, et sans un mot, déposa ses filles enveloppées d'une couverture dans un coin du bateau. Il la contempla avec incrédulité, son regard allant tantôt des bébés à elle. Elle lui sourit, sentant les larmes affluer. D'un geste protecteur, elle lui caressa la joue et murmura dans un souffle :
« Veille sur elles pour moi ».
Avant de se retourner, d'essuyer ses larmes d'un revers de main, et de repartir aussi vite qu'elle était venue.
-Tiens Peanor, je te cherchais.
Elle s'arrêta net, sentant un souffle tiède contre sa nuque. La voix avait un accent doux, mais un timbre grave où on décelait une pointe d'amusement. Elle déglutit péniblement, n'esquissant pas le moindre geste. Sa respiration rapide trahissait cependant sa nervosité croissante.
Elle reconnaîtrait l'homme à qui appartenait cette voix entre mille. Elle se mit à trembler tandis qu'un frisson commença à remonter sa colonne vertébrale. L'homme poursuivit :
« J'espère que tu admires bien le spectacle. Comment trouves-tu ce carnage ?
-Otar... souffla-t-elle.
-En chair et en os. Enfin presque.
-Otar, laisse mes sujets en paix. Ils ne doivent pas être les victimes de notre pacte. »
Elle se retourna, soutenant le regard gris et dur comme l'acier du roi.
« Ah, donc tu t'en souviens ! A la bonne heure. Mais vois-tu, il est un peu trop tard pour faire cette réflexion.
-Tu es un monstre ! Je vais te... »
Elle avait déjà levé la main, sentant ses muscles se relâcher tandis qu'une énergie nouvelle parcourait ses veines. Mais Otar bloqua son geste d'une main habile, en ricanant :
« Peanor, tu n'oserais pas. Je viens juste récupérer ce que tu m'as promis. C'était la condition.
-Je n'aurais jamais dû te faire confiance. Il aurait mieux valu que je meure, et tout ça ne serait pas arrivé.
-Crois-moi, morte ou non, j'aurais quand même trouvé un moyen de faire souffrir Beran. »
Sa voix était onctueuse, douce. Cependant Peanor n'y décela que de la haine contenue. Otar était dangereux. Comment avait-elle pu ne pas s'en apercevoir ?
« Désolée de te décevoir, mais j'ai bien peur que mes filles ne soient plus avec moi.
-Comment cela est-il possible ? Si elles sont au palais, je n'aurais aucun mal à les trouver et tu le sais.
-Elles n'y sont plus. Elles sont loin. Tu ne les retrouveras jamais Otar.
-Tu mens ! Je veux les détenir, afin que ton cher époux passe sa vie à souffrir pour ce qu'il m'a fait. »
Il ne cessait de fermer et d'ouvrir les poings. Du sang perla au coin de sa lèvre lorsque sa canine la mordit. Ses yeux restaient figés de colère, ils respiraient de manière saccadée. Peanor leva la tête, son regard faisant face au sien. Elle n'abaisserait pas les yeux. Il fallait qu'il comprenne qu'elle ferait toujours obstacle à ses plans, quoiqu'il advienne.
-Très bien. Mais je crois que j'ai trouvé un autre moyen de me venger.
Sans prévenir, il saisit Peanor par le poignet, la serra contre lui et disparut dans un nuage de cendres noires.
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Illégitimes | La Vengeance de l'Hiver | Tome 1 [ LONGUE PAUSE]
FantasíaIl était une fois, dans un univers lointain, deux petites filles. Deux sœurs jumelles. Le sort a fait qu'elles ont été séparées peu après leur naissance , sans que l'une ne connaisse l'existence de l'autre. Elles possèdent toutes deux des pouvoirs d...