Nigellus le dragon noir (partie 2/2)

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Au bout de quelques mikras, Nephis revint à lui, stupéfait d'être toujours vivant. Il ne sentait plus rien. Il regarda son corps et ses membres qui fumaient mais ils n'étaient pas brûlés. À sa grande surprise, il vit qu'il n'était plus tout à fait le même. Il se palpa le haut du corps et le visage et sentit qu'ils étaient identiques mais ses bras et ses jambes étaient recouverts d'écailles d'un vert sombre. De toutes petites cornes lui sortaient d'un peu partout sur les avant-bras, s'agrandissant en éperons vers les poignets. Deux plus grandes lui sortaient du front, de chaque côté, près des tempes et partaient vers l'arrière, légèrement recourbées aux pointes. D'autres plus petites se dispersaient entre-deux et sur la nuque d'où sortaient des tentacules. Ses jambes se terminaient par des pieds aux doigts longs, serrés et griffus. Il avait gagné deux bras en plus, longs et squelettiques, dont les trois doigts s'allongeaient et se terminaient par une griffe que reliée une large membrane diaphane. Ces grandes ailes olivâtres pareilles à celles d'une chauve-souris géante (quelle ironie !) étaient rattachées au milieu des omoplates, à l'emplacement exact où dans les temps anciens les ailes des Nephilim étaient implantées. Ses mains avaient gardé le même nombre de doigts mais leur bout se terminait presque en serres, avec des griffes longues et pointues à la place des ongles. Une très longue queue, aussi épaisse que le corps d'un serpent et terminée par une flèche à six pointes, lui sortait du bas du dos. Il était mi-homme mi-dragon mais son visage rayonnait. Pourquoi Nigellus l'avait-il transformé ainsi ?

Celui-ci avait reculé de quelques pas, il était toujours en face du Nephilim, aussi hargneux et cruel, et apparemment encore plus en colère de ce qui venait de se passer. Il avait manqué son coup. Mais son regard se portait au-delà de Liam. Ce dernier entendit un grognement sourd derrière lui qu'il reconnut aussitôt. Il se retourna vivement et vit Ophis, volant à quelques coudées de lui, ses deux ailes gigantesques battant l'air violemment d'avant en arrière, dans un mouvement qui se voulait stationnaire. La tête et le cou étaient tendus vers Liam et des flammèches lui sortaient encore de la gueule. Alors le jeune homme comprit. C'était son dragon qui avait soufflé et le feu au lieu de le brûler, de le statufier ou de le tuer, l'avait transformé en dragon, enfin à moitié. Ainsi la draconite d'Orpaz, le breuvage de l'amulette et les flammes d'Ophis s'étaient royalement combinés pour sceller son destin et faire en sorte qu'il se réalise enfin. Et tel un phœnix, il renaissait de ses cendres mais sous une autre forme. La seule différence avec les autres dragons était qu'il ne pouvait pas cracher de flammes et il le regretta. Néanmoins, ce corps le remplissait de joie, il se sentait fort, invincible. N'était-ce pas ce dont il rêvait depuis toujours ? Vivre avec les dragons, être un dragon lui-même ? En tout cas, ce nouvel état le ravissait. Il essaya ses ailes et vit qu'il pouvait se déplacer dans les airs avec une grande agilité. Il avait juste un peu le vertige.

Nigellus écumait de rage et le combat recommença entre lui et le Nephilim. Ce dernier évitait de justesse les jets de flamme du dragon noir en s'esquivant avec souplesse et rapidité mais Nigellus maîtrisait les airs et bougeait plus vite que Liam qui manquait cruellement d'expérience en ce domaine. À plusieurs reprises, il fut écorché atrocement par ses éperons lorsque celui-ci le frôlait. Il se retrouva roussi plus d'une fois. La lutte devenait inégale, Liam n'ayant pas les mêmes armes que son adversaire. En voyant son compagnon en difficulté, Ophis voulut aider son ami. Il n'en ferait qu'une bouchée de ce dragon infâme. Il vola vers eux et le dragon noir battit en retraite, mais Liam fit un signe à Ophis pour l'arrêter. C'était une affaire entre lui et ce monstre. C'était son combat. En voyant qu'Ophis ne le poursuivait pas, Nigellus revint et fonça sur Liam. Le dragon noir, qui n'avait aucune égratignure, réussit de nouveau à brûler plusieurs fois Liam tandis que l'épée du Nephilim n'arrivait pas à entamer la moindre de ses écailles. Liam essaya de trouver un point faible dans la cuirasse, au niveau du cou, là où se créent d'infimes fissures, où la peau épaisse sous-tend l'écaille, seul emplacement susceptible d'être transpercé. Mais son adversaire menait la lutte, et Liam s'épuisait à le combattre.

Il se concentra alors sur sa draconite. Il se rappela que c'était une perle et non une pierre, et qu'elle était spéciale. Il se souvint qu'elle ne venait pas des Linesires mais qu'elle était bien plus puissante que les leurs. Elle lui avait donné un atout que Nigellus ne pouvait même pas imaginer et que Liam avait ressenti dès sa transformation. Ses yeux avaient récupéré en partie un don d'Ophis. Ils étaient devenus plus perçants que ceux de l'aigle et du lynx. L'iris avait la couleur de l'or, un or liquide et chaud au milieu duquel une pupille verte flottait. Liam réussit à se rapprocher suffisamment de la tête du dragon noir en évitant cette fois les flammes. Il fixa son adversaire et une double étincelle jaillit des prunelles de Liam. Elle transperça les yeux de Nigellus qui poussa un hurlement terrible. Toute sa magnifique cuirasse d'acier se tendit dans un ultime effort mais elle fut instantanément transformée en pierre, puis la statue de la bête immonde s'écroula et se fracassa avant d'être finalement réduite en un énorme tas de sable noir. Les Darsagons qui n'avaient pas perdu une miette du combat se réjouirent en regardant le mont de cendres. Ils vinrent rejoindre Liam et l'on voyait dans leur regard leur soulagement et leur bonheur. Leur vrai roi était enfin là. La prophétie s'était réalisée.

À suivre....

Je vous invite à lire la suite (et les chapitres précédents) dans mon roman : Le dernier des Nephilim tome 1.

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