Lapins mouillés

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Ah !

Ma sœur arrive avec son horrible et tout aussi détestable petit ami : Dévin Daney. J'attrape mon roman et me plonge dans ma lecture pour éviter toute discussion inutile. Tracy est déjà en train d'arpenter le salon de long en large en hurlant contre son Dévin. Je l'observe discrètement par-dessus mon bouquin : elle est énervée. Ses longs cheveux blonds flottent derrière elle et ses courbes voluptueuses s'agitent dans tous les sens.

— Tu es un enfoiré, Dévin ! Je n'arrive pas à croire que tu aies osé recommencer !

Et c'est reparti ! L'incriminé, quant à lui, s'est tranquillement installé sur l'accoudoir du canapé et a l'air de se foutre complètement de la énième crise de jalousie de ma sœur. Je ne comprends pas comment elle réussit à le supporter. Ils sont ensemble depuis six mois et il l'a déjà trompée cinq ou six fois, sans compter ses roulages de pelles intempestifs à droite et à gauche...

Elle poursuit sa petite crise et ni l'un ni l'autre ne s'intéressent à moi, ce qui m'arrange. Si j'ai bien compris, cette fois, elle l'a chopé dans les toilettes d'un bar en train de draguer une des serveuses. Connaissant ma sœur, je suppose que draguer signifie plutôt qu'il avait sa langue dans la bouche de ladite serveuse. Il faut avouer que Dévin est vraiment un très bel homme. Il est grand et sublimement bien bâti. Ses cheveux, d'un beau châtain foncé, sont coiffés un peu n'importe comment, mais cela n'entache en rien son style de bad boy ténébreux. Et pour ne rien gâcher, ses yeux gris sont une pure merveille. Mais c'est sans compter son côté insupportable, désagréable et grossier. Dévin est imbu de lui-même, il ne respecte rien ni personne.

Je ne le supporte pas !

Ma sœur fonce à l'étage, excédée par le comportement léthargique de son petit ami. Ce dernier se vautre sur le canapé, juste à côté de moi. J'ai déjà envie qu'il quitte la maison.

— Salut, dindon, tu lis quoi ?

En quoi ça le regarde, sérieux ? Il doit avoir le QI d'une huître.

— Rien.

Je me recule et tente de reprendre ma lecture, mais c'est peine perdue, car le livre m'échappe soudainement des mains.

— Dracula !

Il explose de rire.

— Rends-moi ça, Dévin !

Il se lève et feuillette le bouquin en se dandinant devant moi dans son jeans noir.

— Alors comme ça, tu aimes les suceurs de sang ?

Rien que le son de sa voix m'irrite au plus haut point.

— Tu n'es qu'un inculte ! Tu n'y connais rien !

Il retourne le livre.

— C'est de qui, ce machin ? Bram Stoker ? Hum...

Il replonge le nez dedans en s'installant à côté de moi.

— Allez, rends-le-moi, s'il te plaît.

— Non, je le garde !

Il le range à l'intérieur de sa veste en cuir et se met à rire un peu trop exagérément à mon goût. Quel con ! Les piaillements de ma sœur emplissent de nouveau la pièce.

— Dévin qu'est-ce que tu fabriques ? Laisse-la tranquille. Tu es toujours en train de l'emmerder ! Ferme ma robe plutôt !

 Il se lève et s'exécute avec un sourire au coin des lèvres.

— Tu ne préfères pas que je te l'enlève ?

Elle glousse comme une idiote. Sa colère est déjà bien loin. Elle est folle de lui, comme la plupart des filles de la ville d'ailleurs. Je ne me fatigue même pas à essayer de récupérer mon livre. Je sais déjà qu'il ne me le rendra pas. Ma sœur attrape sa veste avec grâce et l'enfile.

Ne ferme pas ta porteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant