Chapitre 1

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  Quand Louis reprit connaissance et ouvrit difficilement les yeux, il fut soulagé de reconnaître sa chambre. Sa tête était lourde, sa respiration était sifflante, mais au moins, il était en vie et chez lui.

   « Mon chéri, comment tu te sens ? »

Sa grand-mère, qui venait d'entrer dans la chambre, se précipita vers lui et l'aida à se relever. Une fois cela fait, elle lui donna un verre d'eau que Louis s'empressa d'avaler.

   « Tout va bien mamie, ne t'inquiète pas... répondit le jeune homme en serrant délicatement la vieille femme dans ses bras.

   - Ne pas m'inquiéter ? Mais enfin Louis, tu m'as fait une peur bleue ! J'ai cru que tu ne respirais plus, que j'allais devoir appeler les pompiers, et ce malgré ta phobie de l'hôpital ! »

Louis grimaça avant de se gratter nerveusement la nuque. Cette même nuque qui, quelques temps auparavant, avait vécu une rencontre malheureuse avec la langue d'un loup. Ce souvenir fit sursauter Louis, qui, pour ne pas faire peur à sa grand-mère, fit passer son soubresaut pour une toux. Comment avait-il pu oublier ce qui lui était arrivé ? Il aurait pu mourir ! Il n'était pas passé loin de la mort, il le savait, et ses poumons étaient là pour le lui confirmer.

   « Tu sais que je ne t'aurais pas emmené là-bas si tu n'en avais pas eu besoin, n'est-ce pas ?

   - Oui mamie, je sais. sourit-il pour rassurer sa grand-mère. »

Cette phobie des hôpitaux pouvait paraître totalement absurde, mais elle était bien réelle. Il avait toujours détesté ces endroits, et encore plus le fait de s'y rendre. Sa mère était décédée à l'hôpital, son père également, ses grands-parents maternels ainsi que son grand-père paternel, bref, il avait perdu bien trop de monde dans cet endroit qui, pour lui, était censé sauver des vies plutôt que d'en détruire. Il avait même été suivi par un psychiatre pendant quelques temps. Premièrement pour la mort de son père, dont il avait été témoin et dont, malgré son jeune âge, il se souvenait très bien. Ensuite, ça avait été pour cette peur maladive. Mais malheureusement, la thérapie qu'il avait suivie n'avait servie à rien et sa grand-mère avait finalement décidée de ne plus l'y emmener.

   « Que s'est-il passé mon chéri ? Pourquoi tu courais ? Tu as eu des ennuis à l'école ? Tu sais que si quelqu'un t'embête j'irais immédiatement parler à ton professeur principal ! »

Louis sourit, touché par l'intérêt que lui portait sa mamie.

   « Je n'ai pas d'ennuis au lycée, tout se passe bien, je te le jure. Tu sais bien que Joey et Nathan ne laisserait jamais quelqu'un me faire du mal. J'ai juste cru voir quelque chose qui m'a fait peur et je ne voulais pas rester dans la forêt. révéla-t-il.

   - Mais pourquoi tu n'as pas pris ta Ventoline, tu l'avais pourtant sur toi, non ? Tu sais que tu dois toujours l'avoir sur toi ! »

Son asthme avait commencé lorsqu'il avait quelques mois à peine. Il enchaînait les bronchites asthmatiformes, et son médecin traitant avait conduit son père jusqu'à un pneumologue qui avait prescrit pour le petit bonhomme qu'était Louis des séances de kinésithérapie respiratoires... Sa grand-mère lui répétait souvent que ça avait été très dure pour elle d'accompagner son petit-fils, qui n'était encore qu'un nourrisson, à ces séances de « torture ». Si tout c'était passé comme prévu, Louis aurait dû être débarrassé de ce problème respiratoire. Mais malheureusement ça n'avait pas été le cas et son asthme était revenu au début de son adolescente. Cette maladie lui pourrissait la vie. À l'école, il était dispensé de cours de sport, il ne pouvait ni jouer au foot, ni au basket avec ses amis, et il pouvait encore moins faire des conneries avec eux si cela impliquait un départ rapide en courant... Bon, pour ce dernier point il se disait que c'était plutôt une bonne chose, mais son asthme représentait tout de même un handicap non négligeable.

   « Je l'ai toujours sur moi, mamie. Mais sur le coup j'ai tellement eu peur que c'est la dernière chose à laquelle j'ai pensé. avoua-t-il.

   - Tu ne veux vraiment pas me parler de ce que tu as vu ? insista-t-elle.

   - Je voudrais bien, mais je ne sais même pas ce que j'ai vu... »

Et ce n'était pas totalement un mensonge puisque, pour lui, un monstre comme ça ne pouvait tout simplement pas exister. Sa grand-mère soupira mais n'insista pas, préférant se lever doucement et aller récupérer un petit plateau sur lequel se trouvaient quelques petites douceurs, qu'elle vint poser sur la table de nuit.

   « Mange mon chéri, et surtout, repose-toi, j'ai prévenu le lycée ainsi que ton ami Nathan que tu ne serais pas présent demain.

   - Merci mamie. »

La vieille dame lui sourit, puis gagna la porte afin de sortir de la pièce.

   « Mamie ? appela-t-il.

   - Oui mon chéri ?

   - Tu sais s'il y a des loups dans nos forêts ? »

Elisabeth, car c'était son prénom, sembla surprise par la question, mais se repris bien vite, voulant répondre à son petit-fils avec précision.

   « Oui, Louis, il y a des loups. Je sais qu'il y a au moins une attaque par an, mais plus au sud. Ici, aucune attaque et aucun loup n'a été recensé jusqu'à maintenant. Pourquoi cette question ?

   - Oh, rien ! mentit-il. C'est juste un truc qui me passait par la tête, comme ça. On en a parlé en cours la dernière fois et la prof ne savait pas trop, donc je voulais te demander. »

La vieille dame hocha la tête et sortie pour de bon de la pièce.

Donc aucun témoignage n'avait été rapporté quant à la présence d'une possible meute ici ? Chouette, il était donc le seul à avoir vu ces bestioles, donc, si jamais il venait à en parler, on pourrait très certainement le prendre pour un cinglé... C'était tout à fait génial.

Quoi que, ça ne serait pas si bizarre que ça de voir de telles bêtes ici, non ? Il a bien dû y en avoir à une époque...

  Louis trouvait que cette histoire était une bien trop grosse prise de tête, et il décida de ne rien dire pour le moment. Évidemment, s'il venait à revoir ce loup –ce qu'il n'espérait pas-, il irait immédiatement le dire aux autorités compétentes afin que les éleveurs du coin soient informés mais, en même temps, il n'avait pas envie qu'on leur fasse du mal à ces animaux !

C'était un cruel dilemme.

En soupirant, le jeune homme se leva, puis, après avoir attendu quelques secondes que sa tête arrête de tourner, il marcha jusqu'à son bureau en bois blanc où sa grand-mère avait posé son portable. Il regagna ensuite son lit, attrapa le chargeur du téléphone, brancha ce dernier puis l'alluma. Il ne fut pas surpris de trouver plusieurs messages, ainsi que plusieurs appels manqués de ses amis.

Il connaissait Joey et Nathan depuis la maternelle, ils étaient ses meilleurs amis. Tous trois formaient un trio d'enfer et étaient inséparables, alors forcément, ils avaient dû s'inquiéter. Il avait également deux messages de deux camarades de classe, ainsi qu'un autre appel manqué d'une fille qui avait des vues sur lui. Il effaça ce dernier rapidement, pour se concentrer uniquement sur les messages de ses deux amis. Il prit le temps de les rassurer et leur promis de les appeler lorsqu'il se serait reposé. Ensuite, il prit soin de mettre la sonnerie en mode silencieux, puis il posa le portable sur la table de nuit. Il récupéra le plateau préparé avec amour par Elisabeth, et dévora les deux madeleines, ainsi que les deux tartelettes au citron et la part de charlotte aux fraises que sa grand-mère lui avait apportées. Après avoir avalé ce goûter assez conséquent, il posa le plateau au sol et se réinstalla confortablement sous sa couette. Il récupéra la télécommande de sa télé qu'il cachait sous son oreiller et alluma cette dernière. L'après-midi commençait à peine en ce mercredi ensoleillé, et il choisit de mettre une chaîne au hasard qui, en ce début de printemps, diffusait une petite comédie assez drôle.

  Louis pu suivre les trente premières minutes du film avant que ses yeux ne deviennent trop lourds pour qu'il continue de lutter. Alors il laissa simplement le sommeil le gagner, espérant sincèrement que cet animal noir aux yeux verts ne vienne pas perturber son repos.

Meet me in the hallwayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant