Terres Basses

c'était juste une cage d'escalier

T'sais, ça s'est joué à un seul instant. J'sais pas si tu te souviens, mais c'n'était pas un truc bien glorieux, en fait. C'était juste toi, c'était juste moi, tous les deux l'un contre l'autre. Planqués, serrés ensemble dans la cage d'escalier du ciné du coin, à se réchauffer en s'tenant les mains. On était au pied de toute cette architecture pas terrible, le cul sur carrelage miteux, les jambes entrelacées devant des marches trop poussiéreuses.

Mais y'avait toi, y'avait ton contact, y'avait ta main, liée à la mienne, et ta respiration, qui jouait avec mon dos. Il n'aura fallu que ce moment, que ces minutes pour que j'barre complétement en couille. Et puis on est remontés en gloussant quand le gérant nous a chopés, une clope à la bouche et un air amusé sur l'visage. On s'est mis sur les tables, entourés des potes du bahut, et pourtant, y'avait que toi qui avait mon attention. Tu me caressais l'poignet quand ils osaient regarder ailleurs, et tu me rappelais à quel point t'aurais bien aimé qu'on reste tous seuls.

Et aujourd'hui, j'te vois, tu t'approches, et t'essaye de contrôler l'irrésistible désir de me prendre la main. J'te vois, tu souris peut-être un peu trop quand mes yeux rencontrent les tiens. Est-ce que tu m'vois ? Parce que j'me surprends à me dépêcher de sortir en récré pour pouvoir voir ta sale tête que j'aime tant. Est-ce que tu m'vois ? Parce que j'suis souvent en train d'errer comme un clodo sans chariot autour de toi pour que peut-être, tu te rendes compte de ma présence.

J'te jure, j'y retournerais bien, avec toi, dans la cage d'escalier du ciné du coin.