Prologue - Cadavre

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Il était trois heures du matin. Le commissaire Rayes se tenait debout sur le bord de la départementale qui traversait son village, une dizaine de kilomètres plus loin. Il était plongé dans ses réflexions, si bien qu'il n'entendit pas lorsque l'un de ses hommes l'appella. Ce dernier finit par lui taper sur l'épaule. Il lui dit :

- Commissaire ! Il faut que vous voyez ça. C'est impressionnant.

Rayes finit par suivre l'homme, dont il ne se souvenait plus du nom. Ils arrivèrent à une zone balisée, entourée de rubans signalant : scène de crime, ne pas approcher. Le commissaire était fatigué. On l'avait réveillé une heure plus tôt pour lui signaler un homicide. Il n'en savait pas plus pour le moment. Il passa sous le ruban jaune, tout en se tenant à distance du groupe de scientifiques qui s'affairaient autour du macchabée. Ils recueillaient des échantillons de sang pour de futures analyses, tandis que divers autres cherchaient des traces d'un éventuel combat. Ils semblaient en trouver beaucoup. D'où il se situait, le commissaire ne voyait pas le visage de la victime. Il préférait ça. Il n'aimait pas contempler les morts.

Le policier qui l'avait interpellé se tenait à côté de lui, dans l'attente d'ordres. Le commissaire le regarda longuement, puis prit la parole :

- Je veux un rapport bref de tout ce que la police scientifique sait.

- Eh bien, monsieur, répondit l'autre, il y a beaucoup à dire. Mais les experts sont formels. L'agresseur n'est pas un homme. Ils pensent à un chien sauvage, peut-être même à un loup. Ils ont recueilli des touffes de poils. La victime s'est débattue et a dû en arracher au passage. Il y avait un seul animal. Ils analyseront tout ça dès que possible.

- Je vois, répondit le commissaire.

Il s'éloigna. Il allait remonter dans sa voiture de service quand le policier l'interpella une dernière fois.

- J'ai failli oublier, monsieur le commissaire, dit-il. La victime a eu le visage labouré par des griffes. Comme elle n'avait pas son portefeuille, elle n'est pas identifiable. Et dernière chose : l'animal, quel qu'il soit, lui a retiré le fémur. Il l'a emporté.

Le commissaire se figea, puis un sourire marqua ses traits. Un sourire que personne ne vit.

Il resta sur place plusieurs heures. Le cadavre fut emporté à la morgue aux alentours de quatre heures. Vers six heures du matin, une jeune femme arriva sur les lieux. Elle lui sourit. Il vérifia qu'ils étaient seuls, puis lança :

- La meute fait des siennes. Un de tes sous-fifres a commis un meurtre sans se cacher ni se débarrasser du cadavre. Vous avez merdé, toi et tes potes, Impisi.

- Pas la meute, répondit-elle. C'est moi. J'avais faim, et il me manquait un trophée.

- Mais alors pourquoi n'avoir rien mangé ?

- Finalement, sa viande n'avait pas l'air bonne.

Le commissaire la regarda. Un rictus carnassier s'était peint sur son visage. Il sourit, puis mit le contact et s'en alla. Il la vit dans son rétroviseur. Elle était toujours plantée là. Elle fixait sa voiture.

Dents-De-LaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant