Partie 1 Lili

7 2 0
                                    

Je suis fonctionnaire. Cette simple phrase suffit à faire chuter mon moral. Je ne connais qu'une façon de le remonter: dire une vacherie.

C'est devenu mon nouveau mode de fonctionnement. Je passe par l'accueil et chuchote une phrase inintelligible à l'hôtesse. Elle s'appelle Sylvie et je préfère vous le dire je ne peux pas la voir! Elle est d'ailleurs très souvent la première à pâtir de mes humeurs. Surtout parce qu'elle est en première ligne. Et puis peut-être aussi parce qu'elle n'a pas de répondant et reste toujours tétanisée dès qu'elle me voie.

Comme prévu elle n'a pas entendu ma phrase chuchotée, et me demande timidement:

-Bonjour Lili, je suis désolée, je n'ai pas compris ce que tu m'as dis

-Ça s'arrange pas avec l'age dis moi, de plus en plus sourde! Je préfère m'en occuper de toute façon, je ne suis pas certaine que tu puisse le faire , il faut connecter plus de neurones que tu n'en as!"

Je sais c'est gratuit, méchant et pas d'un haut niveau, mais ça me fait un bien fou!

Je me sens d'attaque à affronter les autres mégères, pimbêches et bécasses du bureau. Nous sommes huit dont six femmes. Et je participe fortement à la mauvaise ambiance de l'équipe.

On dit qu'il y a toujours une personne qui cristallise les rancœurs dans un groupe. S'il n'y en a pas c'est que c'est vous! Bon dans mon cas je sais que c'est moi et j'en suis super fière. On peut même dire que je cultive ça.

C'est très pratique, les taches ingrates ne passent jamais par moi et on me demande le moins de chose possible. Je suis assez tranquille, j'ai le temps de préparer toutes les horreurs que je vais pouvoir dire.

Nous travaillons dans un open-space, j'entends tout ce qu'il se passe autour de moi. Je m'en sers très souvent dans mes petites remarques. Du coup je sais que Sabrina vient de se séparer de son copain parce qu'elle s'ennuyait avec lui, il était trop pantouflard. Elle avait envie de bouger, sortir plus souvent et lui aimait bien rester chez lui avec ses enfants le weekend. Un jour elle s'est permise de me dire que je pouvais quand même espérer avoir une vie bien meilleure et que je me contentais de trop peu. Quelle erreur! Je lui ai gentiment fais remarquer, et cela devant tout le bureau, que tout le monde n'était pas comme elle à vouloir toujours plus et ne pas arriver à se satisfaire de ce qu'elle a. Elle est devenue livide. Et ouai, c'est l'effet que ça fait de taper là où ça fait mal! Ma spécialité!

Depuis, plus personne ne s'est permis de me faire la moindre remarque, ou du moins de le faire en face de moi. Je sais qu'elles ne se privent pas pour le faire entre elles, à la machine à café, ou le midi devant leur pauvre petite gamelle remplie de légumes vapeurs. Elle m'ont même donné un surnom "la mégère", et il est assez justifié.

Pour les hommes, j'applique la même philosophie. Je les séduit, je les fais rêver, espérer et puis lorsque je sens un attachement je me volatilise! Plus de son et plus d'image. Un jour je leur dis "Je n'ai jamais rencontrer un homme aussi parfait, fort et intelligent que toi" et le lendemain fini! Bien sur, je dois prendre quelques précautions, je ne les invite jamais chez moi, je détesterai les voir faire le pied de grue sous mes fenêtres. On ne se voit que chez eux parce que "je me sens tellement en sécurité dans leur univers". Je n'ai que des téléphones pré-payés, et je désactive ma ligne dès que je disparais. Je ne leur dis pas où je travaille, et ne leur présente pas ma famille. C'est une technique infaillible. Je reste mystérieuse, inaccessible et ça les attire. Bien sur ça ne marche pas avec tous les hommes, je choisie mes cibles. Des mecs bien gentils, bien droit. Et je les pulvérise.

Parfois, je les observe de loin, pour voir la détresse et l'incompréhension dans leurs yeux. Je m'en délecte. Je me venge de S à travers tous ces hommes. S, celui qui n'est plus qu'une lettre pour moi. Le moteur de ma vengeance, le salle type qui m'a permis de devenir "la mégère".






Dark SideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant