01 ➰

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Je regarde mon iPhone.
Pas de nouveaux message.
Ça a beau être écrit, je ne peux pas m'empêcher d'aller vérifier ma conversation avec Stephen, mais bien sûr, comme le disait mon écran de verrouillage, il n'y a rien.
Je soupire et m'affale sur mon lit.
J'attache mes cheveux bruns ondulés en queue de cheval et fixe mon téléphone avec espoir.
Ça fait d'ailleurs au moins une heure que je n'arrête pas d'espérer.
"Allez... Vas-y, je t'attends... Envoie-moi un message... Allez... Ça prend deux secondes... Allez, tu peux le faire ! S'il te plaît... Allez... ALLEZ, PUTAIN !"
Je jette mon téléphone d'un geste rageur sur mon matelas en enfouis ma tête dans un des coussins qui bordent mon lit.
Je grommelle des paroles incompréhensibles contre le tissus.
Sérieusement...
Je lève la tête et balance le coussin vers la porte, qui s'ouvre sur ma mère, en tablier, une spatule à la main, un gant de cuisine dans l'autre, qui se prend le coussin en pleine figure.
Je souris malgré moi.
- Pardon, dis-je. J'avais besoin de me défouler.
Ma mère se baisse pour ramasser le coussin et entre dans ma chambre pour le déposer sur ma coiffeuse.
- Ça ne va pas ? me demande-t-elle.
Oh non, pitié.
Ma mère est quelqu'un de très... insistant.
- Si, ça va nickel, c'est juste... cet exercice de maths, qui, euh... transforme mon cerveau en volcan, dis-je en pointant du doigt mon classeur de maths posé sur mon bureau.
Ma mère fronce les sourcils.
- Tu as besoin d'aide ?
- Non ! dis-je un peu trop précipitamment. J'ai, euh, presque trouvé de toute façon... C'est juste... Ouais, c'est dur, mais pas irréalisable, quoi.
Les yeux bleus de ma mère s'assombrissent. Je frissonne, comme à chaque fois que ça lui arrive.
Ce n'est pas la première fois que je remarque ce détail chez ma mère : parfois, sans raison valable, ses yeux foncent et deviennent tellement sombres qu'on croirait qu'ils sont dépourvus de pupille.
Une fois, quand j'étais petite, je l'ai surprise dans sa salle de bain en train d'enlever des lentilles de couleur bleue de ses yeux, qui cachaient des iris rouges.
Je me souviens avoir frémi et fermé doucement la porte qui était entrouverte pour courir me cacher dans ma chambre, encore sous le choc de ce que je venais de voir.
- Tu es sûre que ça va, Linh ? interroge ma mère d'un ton inquiet. On dirait que tu as vu une Créature Obscure.
- Une quoi ? dis-je, abasourdie.
Ma mère sourit.
- C'est une expression, explique-t-elle. Enfin bref. Je retourne à la cuisine, je vais finir de cuire les crêpes.
- Super, dis-je d'un ton qui sous-entendait plus "Malheur !" : ma mère est une horrible cuisinière.
Elle me sourit une dernière fois avant de quitter la pièce.
- LA PORTE !
- Oh, oui, c'est bon !
Elle se retourne cependant pour la fermer.
Je m'écroule de nouveau sur mon lit et me remet à penser à Stephen.
Toujours pas de réponse, j'imagine...
Je prends quand même mon iPhone, et mon cœur manque un battement lorsque je vois une notification de Stephen. Un sourire débile se dessine sur mes lèvres tandis que je m'empresse d'ouvrir son message, qui affiche :
"Ce soir, 20h, devant chez moi. Partante ?"
Je lâche un cri de triomphe et saute sur mon lit en levant le poing en l'air. S'en suit ensuite une crise de rire hystérique, suivi d'un sourire immense (et très niais) plaqué sur mes lèvres.
Je jette un coup d'œil à l'heure affichée sur mon téléphone : 18h50.
Je m'empresse de taper une réponse, simple, mais affirmative :
"Yes ! Je serai là."
Je saute sur mon lit tout en serrant mon téléphone contre moi. Je suis ridicule...
Mon regard s'arrête sur le miroir qui orne ma coiffeuse. Je suis horrible ! Je saute du lit et me précipite vers la salle de bain pour coiffer mes cheveux en une simple tresse messy sur le côté. C'est déjà mieux.
Mes yeux bruns se posent sur mon flacon de parfum : je me parfume et retourne dans ma chambre pour chausser mes Converse bleues marine.
Ça y est, je suis prête.
Je regarde l'heure : 18h56. Pffff.
Si j'attends jusqu'à 20h, je vais mourir sur place. Stephen vient de nous caler un rendez-vous, et je suis tellement excitée que j'en tremble.
Stephen est un gars que j'ai rencontré cette année : il était nouveau au lycée, et il s'est retrouvé dans ma classe. C'est le garçon le plus mignon que j'ai jamais vu. Il a commencé à me parler le jour même où il est arrivé, et il avait l'air de beaucoup s'intéresser à moi. Je ne comprends toujours pas pourquoi, d'ailleurs. Il y a des filles tellement plus belles que moi au lycée ! Mais non, Stephen est venu vers moi directement. Comme ça. Tout d'un coup.
Et... j'avoue que ça m'a fait quelque chose. C'est la première fois qu'un garçon s'intéresse à moi, alors évidemment, je suis assez flattée, mais surtout - et j'essaye de ne pas le montrer - extrêmement timide.
Je décide de descendre à la cuisine rejoindre ma mère pour chasser mes pensées.
Dès qu'elle me voit arriver, elle fronce les sourcils.
- Tu vas quelque part ?
- Oui, chez une amie. Je peux ?
- Ne rentre pas trop tard, d'accord ?
- Promis. Merci maman !
Je fonce vers la porte et me précipite dehors.
Je me mets à marcher sans trop savoir où aller. Mes pieds refusent pourtant de coopérer, car ils me conduisent vers la maison de Stephen. Si je me pointe à cette heure-ci, il va me prendre pour une folle. Il vaut mieux que je reste aux alentours...
Je décide de m'assoir sur un banc. La chaleur de l'été est accablante, et je me retrouve vite toute transpirante. Génial.
Je me lève et me dirige vers une fontaine, et m'asperge le visage d'eau fraîche. Ça fait du bien.
Soudain, j'entends des bruits de pas derrière moi. Je me retourne et fait face à une fille, suivie d'un garçon.
Je sens ma bouche s'ouvrir de surprise. C'est le garçon le plus canon que j'ai jamais vu.
Il a de splendides cheveux noirs ainsi que de magnifiques yeux verts, les pommettes saillantes, les lèvres pleines, de longs cils noirs, et des sourcils parfaits.
Même Stephen ne lui arrive pas à la cheville.
La fille qui l'accompagne est également très jolie : elle a de longs cheveux bruns et ses yeux gris en amande dégagent une douceur incroyable.
Elle est grande, très grande, et elle fait presque la même taille que le garçon qui se trouve à côté d'elle. En comparaison, je suis minuscule.
Mais ce qui m'étonne le plus, ce sont les tatouages noirs qui ornent leur peau. Sur leurs bras, leur cou, leurs mains, et s'il n'avaient pas cette espèce de tenue en cuir noir, je mettrai ma main à couper qu'ils en ont sur tout le corps.
Le garçon s'arrête de marcher dès qu'il m'aperçoit. Il me dévisage en fronçant ses beaux sourcils.
La fille, elle, porte la main à sa ceinture et en dégage... une épée ?!
- Nakir, dit la fille.
Je lâche un cri d'horreur et recule. Je manque de tomber dans la fontaine.
- Qui es-tu ?! hurle la fille.
Ses yeux, qui avaient l'air tellement calmes tout à l'heure, sont devenus froids et méfiants.
Elle fait tourner son épée à présent lumineuse dans ses mains et s'avance vers moi.
Je jette un coup d'œil implorant et paniqué au garçon. Il se contente de me regarder en croisant les bras.
- QUI ES-TU ?! répète la fille. Tu sens le démon.
Je sens le quoi ?
Elle s'approche de moi et abat son épée dans ma direction.
Elle m'aurait tranché le bras si le garçon ne s'était pas interposé entre elle et moi en sortant lui aussi une épée semblable pour bloquer celle de la fille.
- Arrête, dit-il. Un démon se serait déjà enfui, tu ne crois pas ?
La fille se mord la lèvre et abaisse son épée.
- Dans ce cas, c'est une Terrestre.
Une quoi ?
- Ou une des nôtres, dit le garçon. Elle peut nous voir.
La fille éclate de rire.
J'en profite pour me décaler légèrement vers la gauche...
- Attention, elle s'enfuit !
Je cours de toutes mes forces.
Je suis rapide : en sport, je bats tout le le lycée en sprint.
Cependant, c'est peine perdue. Le garçon me rattrape en mois d'une seconde et me tient fermement le bras en me dévisageant avec insistance.
- Comment tu t'appelles ? Tu es une Chasseuse d'Ombres ?
Je le regarde, perdue.
- Je m'appelle Linh. Et je ne comprends rien à ce que tu racontes, dis-je d'une voix tremblante.
Je me dégage brusquement de son étreinte et cours loin d'ici.

DOWNWORLDERS ➰Où les histoires vivent. Découvrez maintenant