Première partie
- J'ai lu tes courriels, dis-je à Stuart.
Sa tête émerge subitement de son magazine Maxim. Ses pieds sont appuyés sur la table à café placée devant le divan de cuir que nous avons acheté six mois plus tôt. Une pose innocente, bien qu'il n'y ait pas plus coupable que lui.
- Tu as fait quoi ?
- Tu m'as entendue.
Les traits de son visage angulaire se durcissent.
- J'aurais mieux fait de ne pas t'avoir entendue.
J'ai un moment de culpabilité. Puis, je me souviens de ce que j'ai lu.
- J'ai lu tes courriels. Tous tes courriels.
Il ouvre la bouche pour parler, mais je l'interromps.
- Comment ai-je pu violer ta vie privée ? C'est bien ce que tu allais me dire ? N'ose surtout pas me parler de violation, Stuart. Tu es très mal placé pour ça.
Sa bouche se referme tellement vite que ses dents s'entrechoquent. Ses méninges s'activent. Je peux presque voir le mouvement derrière ses yeux, qui peuvent être si doux, si chaleureux, si sexy, si tout, mais qui, en ce moment, sont si froids, si durs et si terriblement bleus.
- Qu'est-ce que tu penses avoir lu ? finit-il par dire, d'une voix rigide et impassible.
- Vas-tu vraiment m'obliger à le dire tout haut ?
Il garde le silence. La lumière de la lampe de lecture se reflète sur ses cheveux noirs et droits. Le tic tac de l'horloge sur le manteau du foyer mesure les secondes qu'il me reste à passer ici.
Je prends une grande inspiration.
- Je sais que tu as couché avec Christy. Je sais que tu couches avec elle depuis un bon moment.
Voilà. C'est dit. Et même si je savais que c'était vrai, même si je l'ai lu, le fait de le dire à haute voix concrétise le tout d'une manière que je n'avais pas anticipée. C'est devenu tellement plus gros maintenant que c'est dit. Tellement plus grave. Comme si Christy était dans la pièce avec nous. Comme si elle répétait les mots qu'elle lui a écrits, ces mots que je ne peux effacer, avec sa voix douce, sulfureuse. Cette voix que j'ai déjà entendue sur notre répondeur.
Les secondes passent. Je me sens prisonnière, en attendant qu'il dise ou fasse quelque chose.
Dis quelque chose, bordel. Dis quelque chose !
Il se lève, comme s'il m'avait entendue. Son magazine échoue sur le plancher de bois franc.
- Eh bien, bravo, Anne, tu m'as pris en flagrant délit. Que vas-tu faire, maintenant ?
Ne serait-il pas merveilleux de pouvoir filmer les gens pendant leur rupture ? Ne serait-il pas génial d'avoir accès à cet enregistrement au début de la relation ? Regarde comment ce gars te traitera dans six, huit, ou dix mois. Regarde comment il a traité la fille avec qui il a passé trois ans ! Sauve-toi ! Sauve-toi !
Ma respiration grince un peu dans ma gorge, mais j'arrive à prononcer les mots.
- Je m'en vais.
- Tu t'en vas, répète-t-il, sans que je puisse distinguer s'il s'agit d'une affirmation ou d'une question. Un peu comme s'il n'arrivait pas tout à fait à y croire.
- T'attends-tu vraiment à ce que je reste ? Après ce que tu as fait ? Est-ce même ça que tu voudrais ?
Il détourne le regard. Premier signe de faiblesse.
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Sur Mesure
RomansaDe Catherine MckEnzie À trente-trois ans, Anne Blythe se retrouve à nouveau célibataire, avec en poche une mystérieuse carte de visite trouvée sur le trottoir. Lorsque sa meilleure amie lui annonce ses fiançailles, elle décide de faire appel aux ser...