1. Tromper la nuit

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                          Je traverse les rares passants qui s'attardent si tard dans la nuit froide. Littéralement. Je ne ressens pas l'air glacé qui fait grelotter les jeunes « rebelles » attroupés au coin de la rue. L'avantage de ne pas avoir de corps j'imagine. J'erre sans but précis dans la ville, répétant inlassablement le même trajet. Je me demande si quelqu'un pourrait me voir si j'étais dans la lumière d'un certain alignement de planètes et d'étoiles ? Une lumière bleue féerique m'envelopperait, mon corps spectral scintillerait de mille feux et la douce lueur lunaire ajouterait un air rêveur à mes yeux bleus.

C'est tellement irréaliste. Pourtant, j'ai autant de chances que ça arrive que de me réveiller un jour.

Si je pouvais ouvrir les yeux, je me lèverais de mon lit d'hôpital et ramperais vers les gens que j'aime pour leur dire à quel point ils comptent pour moi. Ça fera deux ans et demi le mois prochain.

La contrepartie est sympa, bien sûr.

Je m'arrête brusquement. Mes yeux se posent sur la fenêtre aux rideaux violets, au cinquième étage du bâtiment. Je n'aurais jamais le courage de passer cette porte. Ma lâcheté m'entraîne à flâner du côté de l'Université, plus précisément la cité U.

Mon chemin me conduit devant une chambre que je connais bien. « Petit Malgache » tu vas devoir une fois de plus subir ma colère. C'est un étudiant en commerce que je prends un malin plaisir à torturer. S'il m'a fait quelque chose ? J'aime bien sa tête c'est tout. Et le voir flipper quand je fais bouger ses affaires est tellement jouissif.

Je pénètre dans la pièce. Oh oh, monsieur est accompagné. Elle est mignonne dis moi... Elle te plaît ? Elle gémit comme une alarme de voiture « Huiii Huiiii Huiiiiii ». Je me concentre et pose ma main sur le dos nu du garçon. Le désagréable et froid contact spectral le fait se raidir et tressauter. Si seulement je pouvais lire ses pensées ! Je vois ses pupilles se rétracter. Sa respiration s'accélère, de même que ses va-et-viens frénétiques. Non mais je rêve, il m'ignore ?! Très bien. Mes ongles griffent le mur, provoquant un grincement sonore digne d'un film d'horreur. André relève enfin la tête vers la source du bruit, l'effroi envahissant peu à peu son visage. La fille a arrêté de couiner.

« Mélanie, t'as entendu ça ? »

Elle relève un sourcil d'incompréhension. Oh, t'aurais préféré qu'il ignore le bruit et reste à te bourriner hein ? Elle n'a rien entendu, la Mélanie. Ses longs cheveux blonds sont trempés de sueur, elle a l'air saoulée. Tu peux le rassurer tant que tu veux, à ma prochaine intervention, il sortira de la pièce en trombe et tu pourras te rhabiller vite fait, parce que ce sera à toi que je m'en prendrais. Un coup dans un livre qui s'écrase par terre et c'est réglé. André saute littéralement dans son boxer et fuis la scène de crime. Le pauvre, faudrait que j'y aille mollo.

« André ! Reviens, enfin ! » S'exclame la blonde.

Je souris. La porte claque sous le coup infligé par mon pied d'énergie pure. La nuit n'est pas finie.

AxstravisibiliusWhere stories live. Discover now