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(Chapitre corrigé)

Tout a commencé une belle soirée d'été. Comme chaque soir j'étais partie courir dans les bois derrière chez moi. Tranquillement, en prenant mon temps, je ne courais pas pour la performance mais simplement pour me libérer des tracas quotidiens. Un pas après l'autre, une musique chassant la suivante, je fuyais le béton à la recherche de la fraîcheur des sous bois.

C'était en quelque sorte mon moyen d'expression, loin derrière moi j'abandonnais toutes les merdes de la journée. Durant mes précieux temps de course plus rien n'avait d'importance; il ne restait que le bruit du vent qui sifflait à mes oreilles et celui de mes pas amortis par l'épais tapis de mousse. J'en oubliais presque les cris incessants de ces fillettes bourrées de fric, celui des corbeaux étant tellement plus harmonieux. Loin derrière, oui.

Oubliées les pimbèches qui ne pensaient qu'à gaspiller leur vie en vêtements de luxe et cocktails à paillettes. Oublié mon banquier, lui qui me harcelait jour et nuit, pour savoir quand arriverait le payement de mon prêt étudiant. Au revoir connards de clients du bar qui ne m'accordaient jamais un regard. Je me donnais pourtant, mais j'étais toujours transparente quand je chantais pour eux. Une musique de fond, nullement digne qu'on se retourne pour elle. Mais ô combien séduisante quand il était question de leur servir à boire.

J'en oubliais presque ma pauvre maison qui menaçait de s'affaisser. J'en oubliais presque qu'avec mes trois boulots je n'arrivais toujours pas à joindre les deux bouts. Mais ce que je n'arrivais pas à oublier c'était que je n'avais pas vu le loup depuis bien un an maintenant. J'avais franchement besoin que quelqu'un vienne remuer ma culotte ! J'en étais presque à envisager de prendre le fils du maire comme bouche trou, et ce dans le sens le plus littéral possible. Un comble. Plus collant et éperdu d'amour que ça c'était juste inimaginable. Le seul hic c'est que j'avais horreur de ça. Comment ce pauvre gars pourrait me faire grimper au plafond alors qu'il faisait surtout bien attention à ne jamais me brusquer ! Sérieusement messieurs, de la fougue, ce n'était quand même pas trop demander, si ?

Courir effaçait toutes mes pensées négatives, et celles qui résistaient devenaient mon carburant pour avancer. Je mis mes écouteurs et me lançais à corps perdu dans ma course. Tout disparu, je fis le vide dans mon esprit, tout devint flou autour de moi. J'avais rejoins mon monde. Cet autre monde propre à chacun, la communion ultime du corps et de l'esprit.

Un pas après l'autre, toujours plus loin, toujours plus vite, je bougeais en cœur avec la musique. Mon environnement lui aussi semblait se plier aux basses sourdes, ployant, ondulant en rythme. Mon champs de vision se réduisit progressivement, je refusais de cligner des yeux, appréciant bien trop de sentir les quelques larmes perlant au coin. C'était un exutoire, mais aussi une façon de me punir. Quand la douleur arriva je l'accueillis avec bienveillance, continuant de courir à la même allure. Tous mes sens étaient tournés vers mon objectif du moment, parvenir au plus vite dans mon havre de paix.

Arrivée dans la petite clairière, où j'avais pour habitude de m'arrêter pour respirer quelques instants, je m'installais à même le sol pour profiter de sa fraîcheur. L'été cette année était exceptionnellement chaud. Je devais souvent attendre vingt-deux heures avant de pouvoir ne serait ce que songer à sortir courir.

Allongée, fermant les yeux pour mieux apprécier le chant de la forêt, je me pris à espérer pouvoir un jour tout laisser tomber et venir m'installer ici. En pleine forêt, loin de toute civilisation et surtout de la bêtise des gens. Les animaux, quoi qu'on en dise, avaient évolués d'une bien meilleure façon... loin de toutes ces considérations politique et financières qui mettaient notre monde à feux et à sang.

J'étais tellement bien que sans m'en rendre compte, je finis par m'assoupir. Je dormais à point fermés bercée par les sons mélodieux de la nature. Quand tout à coup une note discordante me tira de mon sommeil. On aurait dit un cri de porc en train de se faire égorger ! La loi de la nature certainement. Mais sans savoir véritablement pourquoi, je me levais, encore un peu pataude de mon sommeil écourté, et me mis à courir en direction des cris. Lorsqu'ils se firent plus puissants je commençais à ralentir. Je me déplaçais le plus silencieusement possible; jusqu'à parvenir derrière un banc de buissons qui se situaient juste en bordure d'une clairière. Celle-là même d'où provenaient les horribles cris. Je pensais pouvoir être aux premières loges d'une rixe entres deux animaux. Pouvoir peut-être assister à la mise à mort du plus faible.

la marque noireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant