Cauchemar de neige

V

Neige se réveilla dans un désert de glace. Tout était blanc et scintillait sous le soleil. Eblouie, la jeune femme se releva lentement. Elle fit un tour sur elle-même pour admirer le paysage. Tout était si calme, bien loin de ce qu'elle avait provoqué la veille. La veille...

Tout lui revint en mémoire. Neige eut un hoquet. Qu'avait-elle fait ? Elle avait tué des innocents, elle avait fait souffrir un homme pour venger sa sœur ! Rien ne ferait jamais revenir Etincelle, elle le savait. La jeune femme tomba à genoux, dévastée. Elle était un monstre. Un monstre.

Les larmes brouillèrent sa vue. Comment avait-elle pu faire ça ? Une telle cruauté lui paraissait étrangère. Il lui semblait qu'elle et la personne qui avait tué tous ces gens étaient différentes. Pourtant, elle s'en souvenait - tout était clair, clair, douloureusement clair dans sa tête.

Soudain, la silhouette encapuchonnée apparut devant elle. Son visage était toujours un trou noir sans fond. Les pans de sa cape voltigeaient comme sous l'effet d'une violent bourrasque alors le vent était réduit à une petite brise. Neige sursauta.

- Qui êtes-vous ? articula-t-elle.

Sa voix était rauque de chagrin. L'être leva une de ses mains osseuses vers le haut. Aussitôt, une volute tourbillonnante s'échappa de ses doigts maigres et assombrit le ciel. Et la tempête se déchaîna.

Neige resta là, ébahie. Les flocons la giflaient, entraient sous ses vêtements, laissaient une trace froide sur sa peau. Le vent mugissait en emportant des pics de glace qui voltigeaient en tous sens. Elle ne voyait plus à deux mètres devant elle. Elle n'entendait plus rien d'autre que ce blizzard impitoyable et tranchant. Pourtant, la voix de la chose lui parvint nettement :

- Je suis ton côté obscur.

Et Neige se réveilla.

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Elle était glacée. Le froid avait pénétré au plus profond de son corps. La jeune femme ne bougea pas, pourtant. Cette sensation lui était agréable. Neige ferma les yeux et s'y complut.

La lumière du soleil pénétra bientôt sous ses paupières. La jeune femme se redressa à regret. Son regard balaya paresseusement le paysage.

Elle se trouvait toujours au sommet de la montagne. Tout était immaculé, exactement comme dans son rêve. La forêt était immobile, ses branches recouvertes d'une fine couche de poudre blanche scintillante. Le silence planait dans l'air. Pas un oiseau ne chantait.

Un silence de mort.

Neige se releva lentement. Ses yeux ne pouvaient, ou ne voulaient pas se tourner du côté du chemin qui menait à la falaise. Elle s'avança vers le précipice. Ses pas faisaient craquer la neige fraîche. Bientôt, elle surplomba la vallée.

Tout était blanc. Littéralement. On ne voyait rien, ni habitations, ni arbres, ni rivières, rien hormis ce blanc si immaculé qu'il en devenait aveuglant. Tout était enfoui sous six mètres de neige.

Elle ne voulait pas, elle ne voulait pas, mais son regard ne put s'empêcher de se tourner vers le corps inconscient. Neige eut un sursaut d'horreur. Alcyon ne bougeait pas, les yeux dans le vide et la peau bleue de froid.

Il était mort.

Ou, plus exactement, elle l'avait tué.

Neige détourna aussitôt le regard. Elle voulait oublier oublier oublier. Oublier qu'elle avait tué un homme. Même si c'était ridicule, que ça n'effacerait pas sa faute pour autant mais elle ne voulait plus avoir ce corps bleui, immobile, torturé par sa faute, sa faute, sa faute, devant les yeux.