«Tout le monde est faible devant la souffrance.»
-Paulo Coelho.
Ce type pouvait faire peur, vraiment, à sa manière du moins.
Pas seulement à travers cette agilité étonnante qu'il possédait malgré sa taille immense, ni à cause de la force et de la justesse de ses poings ou à cette étrange capacité qu'il semblait avoir à deviner où et quand son adversaire frapperait. Non, en fait c'était plutôt dû à ce qui semblait le hanter, le poursuivre, un fantôme invisible, une sorte de rage si profonde et si intense que j'avais cette curieuse impression de me voir moi-même.
Le fameux Clyde Coal mit Jed à terre en moins de deux minutes et pourtant mon cousin était doué, je l'avais déjà vu se battre auparavant.
Mais ce gars, ce Clyde me fascinait, pas uniquement dû au fait qu'il était le chef du gang des Sinners ou à ses talents extraordinaires de boxeur. C'était ce qu'il dégageait: désarroi, colère et une profonde tristesse qu'il semblait vouloir faire disparaître dans un recoin de sa tête, de son âme. Mais il ne me trompait pas, j'aurais reconnu cette douleur n'importe où, il n'y avait aucun doute, il avait perdu quelqu'un qu'il aimait, qu'il aimait par dessus tout.
Je partageais sa peine.
Soupirant, je finis par détacher mes yeux de lui après qu'il ait rejoint les vestiaires et sortis fumer. Je ne le faisais pas avant, c'était leur mort qui m'y avait poussé. Maintenant, il n'y avait plus personne pour me faire des leçons de morales sur un potentiel cancer et puis qu'importe, j'allais crever de toute façon.
J'avais repéré à mon arrivée une porte légèrement planquée près des vestiaire où je pourrais m'éclipser. Elle donnait sur une ruelle sordide et mal éclairée, je m'appuyais contre les murs défraichis et salit par la pollution de l'entrepôt.
-Salut princesse, m'interrompit une voix masculine après que j'aie allumé ma cigarette, T'aurais une clope?
Mon inquisiteur me lorgna de haut en bas avant de m'adresser un sourire salace. Je n'aurais su dire son âge, il semblait jeune et marqué par le temps à la fois.
-Y'a une station service à coté, répondis-je en lui rendant un sourire hypocrite.
-Oh, princesse, on ne veut pas partager? Peut-être que tu souhaites me donner autre chose au fond, suggéra-t-il en se léchant les lèvres.
Il se jeta quasiment sur moi. J'esquivai habillement mais il revint vite à la charge en m'attrapant par la taille.
-Fait pas ta timide, chérie.
Je lui filai une droite, il chancela moins d'une seconde avant de me fixer soudainement furieux. Son coup partit, un coup dangereux, un coup pour se venger, pour faire souffrir, il m'atteignit au visage et je m'effondrai sur le sol suite à la violence du geste. Je ne ressentis rien cependant, rien excepté cette colère qui me suivait partout comme mon ombre. Je lui fis un croche-patte, il trébucha et je lui sautais dessus. Il suffit d'un coup de genou dans l'entrejambe pour qu'il tombe définitivement à terre, je décidais de l'achever à l'aide de mon pied quand je sentis subitement qu'on m'éloignait de lui.
Je voulais me débattre mais un homme me tenait par derrière, encerclant ses bras autour de mon corps pour empêcher mes mouvements. Il n'y avait pas d'échappatoires.
-Ça suffit, souffla la voix chaude de l'homme qui me tenait, ses lèvres collées à mon oreille.
-Laisse moi finir ce que j'ai commencé, criai-je en voulant me retourner.
-Il a eu son compte, gamine. Et crois-moi, l'humiliation de s'être fait tabasser par une enfant suffira largement, continua l'inconnu avant de s'adresser à mon agresseur, Dégage Red et ne t'avises même plus de t'approcher d'elle ou je m'occuperais de toi personnellement.
L'homme en sang nous regarda furieux tour à tour avant de fuir. Les bras de l'intervenant se desserrent alors et je me dégageais brusquement.
Clyde Coal me fixait, une lueur pensive dans les yeux.
-Pourquoi tu as fait ça, m'énervai-je.
-Quoi te sauver la vie? Ecoute gamine, on ne tue pas un membre de gang sans conséquences, aussi lamentable soit-il. Tu devrais plutôt me remercier.
Je m'appuyais finalement contre le mur et soupirais avant de ramasser mon paquet de cigarette et d'en allumer une en silence, Clyde fit de même.
-Tu es celui que je cherchais, dis-je d'un coup.
-On se connait? Oh non, ne me dit pas que je t'ai mise enceinte, c'est étrange je me souviens même pas de...
-On a pas couché ensemble, l'interrompis-je.
-Vraiment?
Il semblait surpris qu'une femme le cherche pour une autre raison.
-J'ai besoin d'intégrer les Sinners, l'informai-je finalement.
Il éclata de rire.
-T'es mignonne, allez rentre chez toi gamine, les rues ne sont pas sûres le soir.
-Il a tué mes parents alors je vais le tuer, fin de l'histoire. Je ne cherche pas à trouver un nouveau foyer, à rejoindre le gang des méchants bandits ou à devenir une super criminelle, il me faut juste un refuge, de l'aide. Après je partirais.
Il se figea puis baissa les yeux vers moi. J'avais attiré son attention.
-Qui les as tués?
-Monsieur D.
Il laissa tomber sa cigarette au sol, nous regardâmes tout deux le feu du bout s'éteindre.
-Ecoute gamine. Ce dans quoi tu veux te lancer n'est pas juste dangereux, c'est une mission suicide. Merde, tu veux tuer le gars le plus influent de New-York en matière de criminalité. Mon seul conseil c'est de rentrer chez toi et de te dire que tes parents, ton passé, que rien de toute ça n'a existé. Tu verras, tu finiras par le croire.
Je me mordais les lèvres.
-Comme toi tu veux dire.
Il me lança un regard, confus et enragé à la fois.
-Je t'en prie, repris-je, Tu as peut-être pu le cacher aux yeux du monde pourtant ta souffrance, je la vois comme le nez au milieu du visage.
-Tu ne me connais pas, rétorqua-t-il brutalement en m'attrapant les poignets et en me plaquant contre le mur .
-Toi non plus, mais c'est de toi dont j'ai besoin. Et je t'assure que mon aide pourrait t'être aussi utile. Il faut que les gens arrêtent de me sous-estimer, de croire que c'est impossible.
Il relâcha mes mains sans pour autant reculer, appuyant les siennes contre le mur en m'entourant.
-As-tu conscience de ce dans quoi tu t'engages?
-Je n'ai pas peur de la mort.
Son nez effleura le mien.
-Ce n'est pas de ça que je parle. Il y a des choses bien pire que la mort gamine.
-La torture ne m'effraie pas le moins du monde.
Il leva un sourcil.
-Parce que tu es déjà détruite?
-Parce que je ne ressens rien.
Ma réponse sembla l'intrigué.
-Comment ça?
Je m'éloignais soudainement ce qui lui fit émettre un grognement, il était évident que cet homme aimait avoir le contrôle.
-A toi de le découvrir Coal. Je te laisse une semaine pour savoir si tu veux de moi dans ton gang ou pas. J'ai peu de temps, après, j'irai voir ailleurs, lui lançai-je en me dirigeant vers la porte.
-Et comment suis-je seulement censé savoir qui tu es gamine?
Je me retournais.
-Si tu n'arrives pas à trouver mon identité en moins d'une semaine alors de toute façon, tu n'es pas l'aide que je cherche. Au revoir, Clyde.
J'attrapais la poignée et m'engouffrais dans la salle, j'eu cependant le temps d'entendre sa voix crier.
-A bientôt gamine.
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Indolore
Misterio / SuspensoA dix-huit ans, elle n'a jamais eu mal. Atteinte d'une rare maladie l'empêchant de ressentir la douleur, Eleanor Penn se sait condamnée à mourir jeune, ne vivant que pour ses parents. Mais le jour où ils sont sauvagement assassinés par le mystérieux...