Chapitre 1 (prologue)

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Aimer le vice; croupir, se vautrer, vivre dans le vice; s'adonner au vice; avoir le vice dans la peau, dans le sang. Je refermai ce livre poussiéreux et pris une gorgée de chocolat chaud. C'était tout moi, une âme en discorde, incapable de marcher droit. Quelqu'un qui ne trouve pas sa place et qui fou son bordel sous le nez des autres. Il faisait déjà nuit et mes bombes de peinture vides claquaient entres elles dans mon sac à dos violet. A l'image de celui-ci, mes vêtements étaient violets, bleus, noirs. Une teinte sombre et dépravée, qui donne mal aux yeux. Une teinte qui reflète le vide de mon cœur, son goût amer, sa puanteur. Je jetai un coup d'œil à la boutique du vieux fou de la ville. Toutes sortes de choses y sont vendues, des fringues terriblement laids, de la nourriture, des jouets pour les enfants... c'est aussi là que je trouve mes bombes de peinture. Il n'en reste pas moins épargné. Je laissai tomber lourdement mon sac, baissant les yeux, découvrant mes doc martens noires mal lassées, mon jean noir trop grand retroussé pour ne pas marcher dessus, je devinai mon t-shirt violet rentré dans mon jean, et ma dégaine dépravée. Des mèches de cheveux châtain s'échappaient de mon chignon et retombaient devant mon visage quand je pris la dernière bombe de peinture qui n'était pas vide. Je dessinai un peu n'importe quoi, ce qui me passait par la tête, et ce soir ce fut un grand feu avec au milieu une ombre avec des cornes. La vielle couleur verte rendait ça encore plus mauvais que ce que j'avais imaginé. Pendant que j'admirais mon œuvre, j'entendis des bruits de pas lourds, mais je n'y fis pas attention. Alors que j'allais rajouter un peu plus d'ombre aux cornes, je fus propulsée sur le trottoir voisin. Le bruit de mon corps contre celui-ci fit un bruit sinistre, ma bombe tomba à quelques mètres de moi, roulant sur le côté. Quelqu'un se baissa pour la ramasser. Dans la nuit je ne voyais que la forme du corps d'un homme, j'eus envie de me relever pour le contempler de haut en bas comme dans mes habitudes mais mon dos me faisait si mal que le moindre geste menaçait de me faire gémir, et il n'était pas question de montrer un signe de faiblesse.

-Aude, chérie, dit l'ombre en s'approchant de moi.

A cet instant, sa voix grave me fit si peur que toute notion de fierté avait disparu de ma tête. Je rampai comme un escargot en reculant, mais il avançait bien plus vite que moi.

-Cela faisait longtemps que tu n'avais pas montré ton talent artistique à la ville, dit-il en appuyant sur la bombe, m'éclaboussant de peinture verte.

-Que me voulez-vous? Articulai-je la voix tremblante.

-Que tu viennes avec moi.

Je ris nerveusement.

-Je suis bien ici, dommage.

-En est-tu certaine?

Il me contempla de toute sa hauteur et je compris que même debout je ne le dépasserais pas.

-Pardon? Dis-je, décontenancée.

-Est-tu sûre d'aimer ta vie ici? D'aimer la grand-mère chez qui tu loges, d'aimer ton lycée, et d'aimer les gens?

Mon cœur rata un battement.

-Comment savez-vous tout ça?

-Je suis ici pour te ramener chez-toi, Aude.

J'eus un haut le cœur, comme dégoutée de ses mots.

-Je n'ai pas de chez moi, crachai-je violemment. Cassez-vous d'ici.

-Non. Pas avant que tu viennes avec moi.

Il avança vers moi, me saisis le bras, et cette proximité brisa le reste de calme qu'il me restais encore. Comme consciente de chacun de mes gestes, je plaquai mes paumes contre son torse alors qu'il se baissait vers moi, tenant toujours mon bras. Ce qui aurait dû le faire reculer de quelques centimètres le propulsa contre la devanture du magasin. Mes paumes étaient habitées d'une chaleur qui m'étais inconnue, une chaleur douce, vivante. Je les contemplaient sans comprendre ce qu'il venait de ce passer. Levant les yeux vers l'homme que je venais de... pousser, je me rendis compte qu'il me regardais avec une rage folle, une rage qu'on ne contrôle pas.

-Putain de traître, cracha-t-il avant de se relever.

Et pour la première fois j'aperçus son visage. Une barbe mal rasée, des yeux bleus froids comme l'hiver. A cet instant, j'en eu vraiment peur.

-Un démon qui utilise des pouvoirs d'anges. Tu mérites la mort, Aude.

Puis il plaqua son regard froid vers moi, et à son contact, sans qu'il n'ai dû faire aucun gestes, je fus entourée par une énorme masse noire qui entourait tout mon corps. Il m'empêchai de respirer, et pendant que je paniquais, enfonçant mes bras dans une espèce de gelée glaciale, je sentais que je ne touchais plus le sol. J'étais aveugle et bientôt l'air allais me manquer. Je ne remarquais que quand il parla que mon assaillant s'était approché.

-Plus tu paniques, plus tu t'enfonces. Il sent ta peur et s'en nourrit.

J'entendais sa voix comme à travers un mur.

-Je te gardes en vie en t'empêchant de respirer. Quoi de mieux pour torturer un ange?

Bientôt je ne comprenais plus ce qu'il me racontais, tout ce qu'il se passait en moi, mon manque d'oxygène le rendait cent fois pire. Je n'arrivais plus à me débattre, privée d'air, comme dans un cocon de boue. Il avait raison, je ne mourrais pas. Je restais en vie, privée d'oxygène. J'avalais même cette infâme bouillasse qui me retenait prisonnière en essayant de respirer. Mes poumons se gonflaient sans mon consentement et j'en avalais de plus en plus. Puis la masse qui était ma prison disparu brusquement, je me retrouvait alors sur le sol. Je vis seulement l'homme qui m'avait attaqué au sol, avec à côté une autre personne. Je vis ses yeux noirs dans la nuit me fixer. Il était debout, et une seconde après il était à mes côtés. Je ne respirait que très lentement et j'étais tellement, tellement fatiguée. Il me pris dans ses bras, m'emmenant vers un endroit inconnu. J'avais la tête contre son torse et j'entendais les battements de son cœur, étranglements calmes. Ils me berçaient et pendant une minute de paix, et soudain une rage folle pris possession de moi. Un haine si noire, si violente qu'il m'étais impossible de résister. Je fit en sorte de le faire tomber dos au sol, moi au dessus. J'essayais de l'étrangler. Je remarquais qu'il était très grand et très musclé, mais je ne me demandais pas pourquoi il ne se défendait pas, aveuglée par ma haine. Je vis ses yeux noirs comme de l'encre me fixer, étrangement expressifs, ses joues creuses lui donnaient un air de mauvais garçon, et pourtant c'était moi la méchante. Ses cheveux noirs de jais bouclaient et quelques mèches rebelles étaient sur son front. Sa peau était lisse et mate, et ses lèvres pulpeuses me laissèrent incertaine. Ma rage descendit directement remplacée par... un sentiment inconnu. Ce sentiment si soudain me fit lâcher prise un instant et il prit le dessus. Me retrouvant au dessous et lui au dessus, je me débattais, frappant sur son torse comme une dingue. Mais j'étais dingue. Il me regardait alors comme si j'étais un animal sauvage maitrisé, surement fier de lui.

-Tu voulais m'attaquer? Dit-il, assurément fier, avec un petit sourire vainqueur.

-La ferme, dis-je entre mes dents.

Il ne répondit pas, à la place il me lâcha un poignet, prenant les deux en même temps avec une main. Il plaça l'autre sur mon font et une douce chaleur se répandit dans mon corps, qui neutralisa ma rage, la remplaçant par une lourde fatigue. Je me rendit alors compte de tout ce qu'il venait de se passer. Je me dégageais de son étreinte, me relevant, et cette fois il me laissa faire. J'éclatai en sanglots, les mains sur le visage.

-Il s'est passé quoi? Dis-je entre deux sanglots.

Il ne répondit pas, puisque je tombait à la renverse. Il se contenta de me rattraper et de me serrer dans ses bras puissants avant que je ne m'évanouisse.
















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⏰ Last updated: Jul 25, 2017 ⏰

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Le vice dans la peauWhere stories live. Discover now