Chapitre un

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Dans le salon, personne n'avait pris la peine de fermer les volets pendant que le soleil encore timide couchait ses premiers rayons sur la moquette dont on parvenait à peine à deviner les couleurs. Des cadavres de bouteilles gisaient sur le sol et une forte odeur de tabac se dégageait des cendriers improvisés çà et là. Le salon, désormais inondé d'une lumière aveuglante, ressemblait davantage à un trou noir dans lequel s'étaient perdus les trois jeunes qui peinaient encore à dormir.

La jeune fille fut la première à se réveiller. Allongée sur un vieux matelas, elle tenta tant bien que mal de se relever tandis que son visage affichait un rictus tordu de douleur. On devinait sous ses paupières de papier, que ses yeux, aveuglés, cherchaient le repos de l'obscurité. Elle finit par abandonner et d'un geste maladroit couvra son visage de sa main droite. Des draps, sortit alors un corps maigre et si blanc qu'il semblait s'effacer sous les rayons du soleil. Il contrastait sévèrement avec le noir de son carré qui lui caressait les épaules. Tirée sauvagement de son sommeil, elle tâtait, étourdie, des mains autour d'elle, cherchant quelque chose. Elle finit par mettre la main sur un téléphone. Timidement, ses paupières s'ouvraient alors sur une paire d'yeux bleus si clairs qu'on les distinguait à peine. Le corps encore à moitié enseveli sous les draps, elle ne semblait prêter aucune attention à ce qui l'entourait. Le regard rivé sur son écran, elle faisait défiler les messages qu'elle avait reçu la nuit durant. Impassible, elle reposa le téléphone et brutalement s'effondra à nouveau sur l'oreiller. A sa droite elle savait la présence d'un autre corps encore endormi. Il était immobile comme figé. Tout, dans cette pièce, laissait penser que le temps s'était arrêté.

Elle profita de ce calme inopiné pour déguerpir. Comme un coup de vent, elle agrippa le jean et le tee-shirt qui gisaient au pied du lit, prit son téléphone et parvint à trouver sa paire de chaussures sans trop de peine. Après avoir enfilé le tout et remis la main sur son sac, elle jeta un dernier coup d'œil au salon, dans lequel dormaient encore profondément les deux garçons. Se re-saisissant, elle fit volte face, décidée à quitter l'appartement et tomba soudain nez à nez avec un jeune homme. D'une tête de moins qu'elle, il était habillé d'un tee shirt trop large pour ses petites épaules et d'un caleçon. Ses cheveux bouclés en pagaille et son visage encore chiffonné exacerbaient son allure débrayée. Instinctivement elle eut un mouvement de recul. Ses yeux croisèrent les siens et il comprit qu'elle n'était pas là pour s'attarder. Avec un sourire moqueur, il se recula sur le côté et de ses bras tendus vers la porte, lui fit signe de passer. Gênée, elle souffla un « merci » et finit par atteindre la porte, qu'elle s'empressa d'ouvrir et de refermer sur son passage, aussi vite qu'elle était arrivée.

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