Le Tiroir Des Poèmes

La Tyrannie Du Noir

LA TYRANNIE DU NOIR

Le ciel s'est vêtu de noir comme un parfait notaire
Les constellations font la chaîne de sa montre séculaire
Et le clair de lune fait le jabot plissé
Ridé par les remords de l'âge passé

Le ciel s'est vêtu de noir et l'on rend notre âme
A la haine inexorable en esclave asservie
A la guerre, au mystère, au diable du mépris
La haine du fer qui règne sur la flamme

Le ciel s'est vêtu de noir, et pour habit, nous avons
Le deuil, la famine, la peur, les hernies
Et nous élevons, avec nos enfants,
Les factures, les fractures, les impôts et le fusil.

Le ciel s'est vêtu de noir, et nous souffrons
Nous souffrons; pour nourrir le venin qui nous tue
Nous souffrons, et la flamme de notre révolution
S'effondre dans l'oubli, le charbon et la cendre abattue.

Le ciel s'est vêtu de noir, et notre coeur
Du terrible courroux alors épris
Et reprenant notre dernière vigueur,
Nous voulûmes, par l'oubli, châtier le mépris..

Le ciel s'est vêtu de noir, et après tant d'efforts
On reculait; car notre résistance est vaine.
on guettait l'espoir et l'espoir c'est la mort
Puis on se livre en aveugle au destin qui nous entraîne.

Le ciel s'est vêtu de noir, depuis que le pays trop mou
S'écroule dans l'ombre, les éclipses, la prison.
Puis il tente de se remettre debout, mais ébahi, ou
Maudit, s'écroule et sens l'odeur des tisons..

Le ciel s'est vêtu de noir, et l'on est las!
Las de trop attendre le prodige de la guérison
Alors, dans le ravage extrême, l'on va
Venger notre larme et récupérer l'âge des saisons.

Le ciel s'est vêtu de noir, et seul jaillit,
Le sang des veines, de fer et d'acier
On se bat contre la chaîne bannie,
Qui nous ronge de peur et de poussier

Le ciel s'est vêtu de noir, la terre porte le sang
La guerre s'enchaîne et se déchaîne,et recommence encore
Alimentée par les fusils, animée par le cri des canons
Et soupirant la flamme de la calomnie Mort.

Le ciel s'est vêtu de noir: c'est la raison qu'on se bat
Pour lui rendre sa gloire et son astre luisant
Pour nous détacher du misérable grabat
Et réacquérir l'illustre hommage pour notre vague horizon.

Le ciel s'est vêtu de noir, et la guerre est achevée..
Les feux se calmèrent, et les fumées fuirent
La voix du vent remplace celle des epées
Si l'on ne peut vivre, plutôt la mort! Que survivre..

Le ciel s'est vêtu de noir, quant à nous, mes chers
On laisse saisir nos os par la gloire qui enivre
On respire ses flèches d'or flottant en l'air
Et on écoute le crépitement de la résignation s'évanouir..

... ...

Le ciel s'est vêtu de noir, la lune soupire
De loin, des parfums tièdes et délétères,
Rassassient le peuple né dans le soupir
Et qui jamais rien de son pays ne le sépare.

Le ciel s'est vêtu de noir, le démon est enterré
Dans le tombeau avec le charbon, la misère, et la chaîne de l'oubli
La guerre, les soupçons, les lacs de pleurs, les marées
Suivi, dans ses funérailles, par d'interminables silences aplatis...

Le ciel s'est vêtu de noir, il l'est depuis tout jamais!
Noir de sombre, éternel, funéraire ébène
Noir des cernes qui ornent les paupières du peuple fané
Noir des cendres de la Gloire réfugiée derriere la haine.

Le ciel s'est vêtu de noir, et tout est fini
Fini.. pour que tout recommence!
Comme un cycle inachevé, imparfait de vie
Où tout se mêle, s'engourdit et s'enfonce.

Le ciel s'est vêtu de noir, pour un conte ce serait la fin,
Mais pour notre peuple ce n'est que l'incipit, le refrain
De l'engage dans notre querelle, du défi sans fin!
Le ciel s'est vêtu de noir, et il nous regarde..

♡W.L♡