-L'aube se reveille timidement...

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    L'aube se réveille timidement. Elle se dessinait sur les joues moites et souillées de jeunes filles, qui gambadaient sur le pont de L'Union. Leurs traits peu définis, innocents... Quelques quidams gambadaient également. Les jeunes filles s'exaltaient alors ; leurs mouvements futiles si captivants tentant subtilement de montrer leurs agilités, se faire désirer, se sentir attendu, se savoir vu... Quelques saluts. De légères voix plaintives et faussement indociles, puis des rires. Oh les légers rires dansants et louant, qu'ils me mettent d'humeur festive, qu'ils me font sourire ! Je ris avec elles. Et l'Aube riait aussi.


    Elle les aidait. Elle admirait ces petites ébauches de femme, chantonnait.. Elle peignait sur leurs yeux bruns, verts, bleus, les caressaient. Du cinabre, de la prune, de l'indigo... L'Aube les gâtait cajolais leurs peaux sableuses, et offrait ses plus belles couleurs à leurs imperfections. L'aube n'aimait pas le parfait. Le brouillon, les esquisses, la brume, l'indécis, le flou... Que c'est beau ! Que j'aime ! Que j'aime les jeunes filles ! Que j'aime l'Aube !


    Quelques heures passèrent, l'Aube les suivait toujours. Le teint des jeunes filles devenait beau, affirmé, précis. Leurs grains de beauté, boutons sur le visage, cicatrices disparaissent peu à peu ; l'Aube les trouvait ennuyantes et daigna alors son inintérêt . Elles semblaient parfaites. L'Aube n'aimait pas le parfait. L'Aube jeta alors un petit regard au Canal de l'Ourcq. Elle boudait, faisait la moue, devenait capricieuse. L'eau dévorait déjà le barbeau du jour, affamé. L'alarme résonnait. L'Aube qui devait bientôt laisser place à son ami Le Jour décida de passer ses derniers instants avec sa Muse.

Camaïeu de Bourgeons.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant