Lettre à une amie

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Quand tu liras ces lignes, ce sera déjà trop tard. Tu auras peut-être déjà entendu parler de ce que j'ai décidé. Mais c'est mieux pour tout le monde.

Je suis une ado dérangée, désorientée, et tu as décidé de m'aider. De notre première rencontre, dans le bus, quand j'ai fait tomber mon sac et que tu as accouru pour m'aider. Tu te souviens? Moi je m'en souviendrais toujours.

Ma mère ne se rend pas compte qu'elle me fait souffrir. Mais je l'aime et elle est susceptible au plus haut point. Et mon père a foutu le camp quand j'avais un an.

Je suis dépressive et pas sociable. J'ai une vie dont personne ne rêve d'avoir, et pourtant c'est tombé sur moi.

J'ai beaucoup aimé la façon dont tu m'as pris sous ton aile. La façon que tu avais de me consoler, même par un simple texto. J'essayais de te rendre la pareille pour faire bonne figure, mais j'en suis incapable. Je suis douée pour vider mon sac et pleurer en attendant qu'on me console, mais écouter les autres pour les consoler ensuite, ce n'est pas dans mes cordes et ça ne le sera jamais.

Je sais ce que tu vas penser. "Tu es irremplaçable." Mais tu te trompes. Dès que cette histoire sera derrière toi, tu vas pleurer un peu en pensant à moi mais tu trouveras quelqu'un d'autre qui me verra comme une pauvre fille que tu n'as pas réussi à sauver malgré ce que tu m'as donné.

Tu ne m'oublieras pas, mais tu essayeras de ne plus penser à moi en pleurant. De toute façon, tes efforts ont été récompensés : grâce à toi, je sais que la véritable amitié existe.

Je me souviens de cette fois où tu m'as offert ce que tu avais de plus précieux. Je n'avais pas de mots pour t'exprimer à quel point j'étais touchée.

Je t'ai offert ce que j'avais moi aussi de plus précieux : une médaille. La première que j'ai eu de toute ma vie. C'était ma petite sœur qui me l'avait faite. Tu sais, Lara, celle qui était à l'hôpital...

Tu l'as portée tous les jours, malgré les moqueries que tu accueillais comme de bonnes blagues. Tu avais tes amies et ces abrutis ne t'atteignaient pas.

J'ai essayé de t'offrir quelque chose qui nous lierais. Un bracelet avec un petit cœur relié à la ficelle par un petit anneau.

J'ai tout de suite su que c'était ça que je devais t'offrir.

Ma mère, exaspérée par le temps que j'ai mis à choisir un carnet à côté, me l'a payé sans rien me demander.

Je me suis rongé les ongles en me demandant comment ça pouvait venir de moi si je ne l'avais même pas acheté.

Je te l'ai dis, mais tu m'as répondu que ce n'étais pas grave. Je t'ai adorée ce jour-là.

Et quand j'engueulais ma mère, qu'elle me criait dessus et me privait d'ordinateur : je t'en parlais et tu m'écoutais avec patience. Ensuite, tu trouvais les mots qui m'apaisaient, même s'ils se ressemblaient beaucoup.

Aujourd'hui, je me suis rendue compte que vivre comme je vivais n'étais plus possible. Je t'ai écris cette lettre en choisissant bien mes mots, en réfléchissant à ce que j'aimais chez toi.

Je ne sais pas. J'étais bien trop occupée à scruter la moindre parcelle de noir dans ton âme pour t'observer en détail. Et puis, quand on aime quelqu'un, n'a-t-on pas envie de le voir plus beau qu'il ne l'est, mentalement et physiquement? Donc je ne sais pas comment te décrire physiquement. Je ne sais pas par quoi commencer. Peut-être par tes cheveux, si beaux à regarder, ou ta peau bien plus lisse que la mienne.

Après t'avoir écris cette lettre, je l'ai déposée dans ton cartable, tout au fond de ton agenda, à la page des vacances.

J'ai prévu que tu ne l'ouvres que ce soir.

Ce soir, quand j'aurais disparu de la vue de tout le monde. J'imagine mes parents téléphoner à l'école, chez toi, tes parents qui téléphonent à lé police et rappellent l'école au cas où.

Mais je serais déjà loin.

Je serais sûrement tout en haut de l'immeuble où travaille sans relâche ton père : c'est le plus haut que j'ai trouvé.

Alors, je sourirais en pensant à toi. Tu seras ma dernière pensée. Et ma sœur aussi, d'ailleurs.

J'aurais en tête la discussion qu'on a eu ensemble, toute les trois. Et la photo qu'on a prise.

A chaque fois que je la regarde, je me réchauffe le cœur. Ensuite, il suffit que je serre contre moi ton objet et je me sens mieux.

Ce soir, quand tu me chercheras, je ne serais plus. Tu ne me parleras plus jamais, mais je ferais exprès de sourire pour que tu n'ai pas trop mal si tu viens me voir après.

Je pense qu'on se reverra. Pas chez toi, pas chez moi, pas à l'école.

Peut-être tout là-haut, s'il y a un paradis.

Mais je n'oublierais jamais, jamais, jamais ce que tu as fait pour moi.

Merci. Merci du fond du cœur.

Merci, meilleure amie.

Merci, meilleure amie

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Merci, meilleure amieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant