Chapitre 1 - Axel

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« L'idole déchue »

Qu'est-il arrivé à Axel De Vermandois ?

L'homme aux milliers de livres vendus signe aujourd'hui son plus mauvais ouvrage. Flop des ventes, incompréhension des lecteurs, la coqueluche des ménagères semble avoir sombré. Son dernier roman « Attends-moi » est une succession de personnages aussi creux que clichés, une intrigue inexistante, et une écriture loin de la qualité qui lui avait permis de se hisser au top des ventes. Ou serait-ce les lectrices dont l'afflux de romance rehausse leurs attentes ? Toujours est-il que notre bel écrivain va devoir mettre les bouchées doubles s'il souhaite redorer son blason et regagner la confiance de milliers de fans ».

Je grimace et jette la feuille de chou d'un geste rageur avant de replonger le nez dans mon café. Merde. Depuis une semaine, le téléphone n'arrête pas de sonner, des putains de journalistes souhaitant m'interviewer, se gaussant de mon échec. Je les hais.

Je plonge ma tête entre mes mains et pousse un gémissement de rage.

C'est cet instant que choisit Amélie pour sortir de la salle de bain, seulement vêtue d'une serviette ridiculement petite, qui ne cache rien de ses jambes démesurément longues.

Elle passe son bras autour de mon épaule et dépose un baiser au creux de mon cou. J'inspire son odeur de pomme verte, comme pour me raccrocher à quelque chose, n'importe quoi.

Elle s'assoit près de moi et avale une gorgée de mon café.

Arrête de te faire mal comme ça. Les journalistes veulent juste faire le buzz.

Mais ils ont raison.

Je relève la tête et passe une main dans mes cheveux bruns.

Elle ne comprend rien. Je sais que je devrais la remercier. Être reconnaissant qu'elle ne bronche pas devant mes coups de gueule et mes colères. Mais elle ne pige que dalle à ce qui se passe.

— Je n'y arrive plus, je soupire en me frottant l'arête du nez.

Elle caresse mon dos dans un geste apaisant. Glisse ses doigts sur ma joue rugueuse. Rien n'y fait. Je tremble toujours de rage et de désespoir.

— Ne te prends pas la tête pour ces abrutis.

— Alors quoi, je dois laisser couler ? Je dois continuer à sourire et à rire alors que tout s'effondre ?

Elle secoue la tête et sa paume descend le long des mes avant-bras.

— Prends un peu de recul, ce n'est pas si grave.

Pas si grave ? Elle se fout de ma gueule ?

Je lui jette un regard noir et reste silencieux, de peur de perdre mon sang froid.

— Peut-être que tu devrais arrêter pour un temps ? propose-t-elle. Prendre des vacances ?

Je n'y tiens plus. Impossible de garder mon calme plus longtemps. Sa voix douce et son ton badin me fait sortir de mes gonds.

Je me relève d'un coup, furieux.

— C'est tout ce que tu trouves à dire ? Que je prenne des putains de vacances ?

— Je ne...

Elle semble choquée par mon éclat de voix, et se mord la lèvre, incapable de continuer.

Est-ce trop demander d'obtenir un peu de soutien ? De me montrer que peu importe ce que dit la presse, ce que pensent les lecteurs, je ne suis pas aussi nul que ça ? Il semblerait que oui.

Je suis doué. Je suis un bon auteur, une putain de célébrité dans le monde de l'édition. C'est grâce au fric que je gagne si elle peut faire son shopping chez Chanel et déambuler en Jimmy Choo lors de soirées guindées. Et elle adore ça. Je crois même que c'est tout ce qu'elle apprécie chez moi.

Je suis persuadé que si ma carrière devait s'arrêter, notre couple disparaîtrait avec elle. Et même si ça me tue de l'admettre, je suis un type lucide.

Je croise son regard et constate qu'elle ignore comment réagir. Je crois que j'y ai été un peu fort. Pourtant, elle a l'habitude que je m'emporte.

— Désolé, je souffle.

Elle se relève et vient se coller tout contre moi et j'enfouie mon visage contre son cou. Je respire son odeur, réconfortante, et la serre dans mes bras. Mes tremblements s'apaisent et je finis par relâcher mon étreinte. Elle commence à caresser ma joue, descend le long de mon torse nu pour effleurer mon ventre.

— Tu as besoin de penser à autre chose, murmure-t-elle d'un air mutin.

Ah non, je me suis trompé. Elle n'aime pas que mon fric, elle est également assez friande de ma queue. Amélie aime le sexe brutal et torride, c'est une des rares choses que nous avons en commun.

Je devrais peut-être me laisser faire, je devrais la pencher sur la table de la cuisine et la prendre violemment, jusqu'à ce que mon cerveau grille, jusqu'à ce que j'oublie ce putain d'échec retentissant dont je vais entendre parler pendant des mois.

Ses yeux brillent de désir alors que sa main s'aventure de plus en plus bas, jusqu'à saisir mon sexe à travers le tissu de mon boxer. Elle entreprend de me caresser, mais rien à faire, je reste à plat. Je crois que cette situation me fout tellement hors de moi que je suis même incapable de bander. Merde.

Je repousse doucement sa main, ignorant la déception qui se lit sur ses traits.

— En fait, tu sais quoi ? dis-je doucement. Je crois que tu as raison. Je crois que j'ai besoin de vacances.

Son sourire est de retour, un peu moins franc, un peu effacé, mais présent.

— Génial. Tu vas voir, ça va nous faire du bien. Tu souhaites aller quelque part en particulier ?

Je ferme brièvement les yeux et inspire profondément. Je vais la blesser, j'en ai conscience, mais je n'ai pas le choix. J'ai besoin de me retrouver seul, en tête à tête avec moi-même. De faire le point, de m'éloigner de mon quotidien, de tout ce qui peut me parasiter, et Amélie en fait partie. Si elle m'accompagne, je sais que je n'arriverai à rien.

— Tout seul, Am.

Elle vacille légèrement, surprise.

— Comment ça ?

— Je vais partir tout seul.

Des larmes roulent sur ses joues et je ne fais rien pour les empêcher de couler, rien pour la réconforter. Au lieu de quoi, je lui tourne le dos et pars m'enfermer dans mon bureau. 

En exilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant