Chapitre 1 - Attaque

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Les sirènes résonnent partout où nous passons, nous semblons n'avancer que pour leur échapper. Cette brèche est celle de trop. Les Ailes sont en route. Pour tenter de nous sauver, nous les derniers colons d'Arès 32. Un dernier sas se ferme, notre vaisseau décolle. Certains d'entre nous n'ont pas le temps de s'accrocher. J'ai saisi à temps une encoche du plafond, quelqu'un me tombe dessus, d'autre ne trouvent que le sol en guise d'amortisseur. La secousse est assez violente, le pilote ne cherche pas à faire dans le confort. Il aura de la chance s'il nous tire de là. Je sens le bord de l'encoche s'enfoncer dans la chair de mes deux doigts et me redresse tant bien que mal, mon fardeau toujours affalé sur moi.


Je savais plus ou moins que ça finirait comme ça. Cette période d'accalmie, c'était trop beau pour être vrai. Des escadrons de renfort envoyés par la Centrale attelés à réparer l'atmosphère artificielle, et nos ennemis qui laissent faire ? Non. La situation était absurde. Ils n'attendaient que ça ! Un massacre de techniciens et de scientifiques avec seulement quelques torpilles, avant de nous achever.


La planète était déjà presque vide, évacuée au cas où, heureusement. La plupart de nos habitants ont trouvé refuge dans des colonies d'arrière garde, protégés par la Centrale et les bases de la Ceinture. Ceux dont les vaisseaux ont pu terminer leur voyage.

Nous avons été très mal informés des pertes. Je ne pense pas que nos communications soient en cause. Ils veulent que tous gardent espoir. Pour ma part j'ai rangé le mien dans un coin de ma tête quand j'ai vu le crâne du professeur traversé par les brisures d'une poutre d'acier. Trois pas sur la droite, et c'était moi. Un pas sur la gauche, c'était moi aussi ; si j'avais été un peu plus empressé à aller lire ces données qu'il voulait l'instant d'avant. Me voilà vivant, la belle affaire ! Mais pour combien de temps?

Nous traversons les derniers lambeaux de notre atmosphère, et subissons une nouvelle secousse.
Touchés! Sans surprise ; notre vaisseau est une énorme machine qui tente d'extraire des restes d'une planète le millier de survivant qu'il lui restait pour la réparer. Difficile pour les avions de chasse de Krorn de nous rater. Combien de tirs peut encore encaisser la carcasse? Je ne sais pas. Mon cœur se serre à l'idée de mourir. Je n'en ai pas très envie, même si je ne sais pas trop à quoi ça rimerait de survivre. Un pan du mur nous montre l'extérieur, donnant l'illusion d'une immense vitre. Tous, ceux qui ont terminé par terre et ont renoncé à s'en relever, ceux qui ont trouvé une accroche, tous nous regardons l'univers qui nous entoure, comme si notre vie en dépendait. Notre vie en dépend, certes. Regarder n'y changera rien.


Nos agresseurs se sont divisés, le gros de la flotte est en formation autour d'Arès pareil à un essaim de guêpes mortellement organisées. Une pluie dorée s'abat sur la planète, pour détruire ce que cachent ses sous-sols, exterminer ceux qui n'auraient pas pu atteindre le vaisseau. Quelques uns de ces insectes, comme perdus, nous ont pris en chasse. Nos vies sont précieuses. Enfin, pas la mienne, je ne suis qu'un étudiant, au mieux un assistant. J'ai laissé toutes mes connaissances partir devant, suivant l'exemple du professeur. Nous avions un certain réconfort à nous tenir encore compagnie. Mais les hommes et femmes qui m'entourent sont pour beaucoup des scientifiques, qui ont veillé sur leurs créations jusqu'au dernier instant. Leur travail parti en fumée, il faut encore supprimer leur cerveau, ainsi l'état de la recherche au sein de l'Alliance reculera de plusieurs décennies.
Une nouvelle secousse, plus forte que les autres, me projette au sol. Arraché à ma prise, une traînée rouge me barre maintenant une bonne partie de la main. Je n'envisage pas de me lever et me cramponne aux barres qui courent le long des murs, au sol. Un instant, je vois dans le métal le reflet de mon visage paniqué. Je ne pensais pas avoir l'air aussi concerné, de l'extérieur. Il est vrai qu'à l'intérieur, je suis un sacré mélange d'émotions. Peur, horreur même. Désespoir. Ma planète se meurt sous mes yeux. C'est une boule de feu. Bientôt ce ne sera plus qu'un caillou nu. Comme si jamais Homme n'y avait posé le pied. Je vais mourir. Je crois que ça m'ébranle tout autant. Les gens que je connais, certains vivent-ils encore? Ma poitrine semble ouverte, à vif.

Les Ailes de l'AllianceWhere stories live. Discover now