Tibulle, chacals & vampires (2)

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Avouer qu'il s'était endormi n'était pas dans ses plans, mais nous sommes entre nous chez les Riens Anonymes : Tibulle avait dormi pendant tout son voyage sur le télésiège. Ainsi, quand ce dernier l'avait tiré du sommeil par une brusque secousse signalant la fin du voyage, il n'avait aucune idée du lieu où il se trouvait.

Mais au moins, ni chacal, ni boucher-charcutier à l'horizon.

À première vue, et à en juger par les lumières scintillantes qui s'étendaient à ses pieds, il était sur une colline surplombant une grande ville de bord de mer. Comme notre badboy n'avait jamais quitté sa ville natale, et avait séché tous ses cours de géographie (sauf celui avant Noël où le professeur leur passait Nuit et Brouillard en leur faisant manger du quatre-quart), il ne savait pas de quelle ville il s'agissait.

Quelque part, son petit coeur se mit à battre et une larme minuscule et très concentrée en sel coula le long de sa joue fraîchement rasée : c'était la première fois qu'il voyait la mer en vrai.

Tibulle sorti son smartphone dernier cri (car il était riche, comme tous les badboys), lança le générique de La Petite Maison dans la Prairie, et commença à descendre dans la colline en riant aux éclats. Enfin, intérieurement, car dans le cas où il devait croiser une personne de son âge, il fallait qu'il garde cette apparence de gros dur.

Bientôt, après une chute et une roulade dans les orties, Tibulle ne tarda pas à fouler les rues goudronnées de la ville. L'air était humide, salé, et la chaleur de l'été avait laissé place à une douce moiteur crépusculaire.

Ce début de soirée était un moment parfait pour se balader dans les ruelles encore actives, tout en se frayant un chemin jusqu'à la mer. Car c'était là son objectif.

Tibulle avait beau être con comme un balai, on ne pouvait pas lui enlever son sens de l'orientation. Et c'est la raison pour laquelle il se trouva sans trop de mal à fouler le sable grossier d'une des plages. Sans doute très fréquentée en journée, il ne restait en cette heure tardives que quelques baigneurs isolés et un groupe qui chahutait un peu plus loin.

Les gens dudit groupe avaient ôté leurs chaussures et se trempaient les pieds dans l'eau salée. Tibulle décida de les imiter. Non pas parce qu'il n'avait pas de personnalité, mais parce qu'il savait reconnaitre ce qu'était une bonne idée. Même que celles-ci venaient souvent de lui.

L'eau avait chauffé toute la journée sous un soleil de plomb, et elle avait donc atteint une douce température à présent. Assez pour tenter le jeune homme. Il voulait essayer de se baigner ; après tout cela ne devait pas être bien différent de la piscine dans laquelle il s'entraînait de temps à autres.

Cependant, alors qu'il avait ôté son T-shirt et s'apprêtait à faire subir le même sort à son jean de badboy, il se souvint du sous-vêtement qu'il avait enfilé ce jour-là. Un vieux caleçon à motif de nounours bleu et roses. Ce n'était pas, mais alors pas du tout digne d'un badboy. Mais il n'avait pas eu le choix ; tous les autres étaient sales.

Un lourd soupir franchit ses lèvres. Déçu mais pas choqué, il fit volte face pour remettre son T-Shirt. Mais celui-ci ne se trouvait pas à l'endroit où il l'avait laissé. À la place de gésir lamentablement sur le sable froid, il pendouillait au bout d'une main. Une main qui appartenait non pas à un boucher-charcutier comme le jeune homme le crut un instant, mais à un garçon blond de son âge. Qui souriait.

" Rends-moi mon T-shirt, grogna Tibulle en se grattant le coude à cause des orties de toute à l'heure.

- Laisse-moi deviner... l'ignora son interlocuteur. Pas de maillot de bain, et caleçon honteux ?

Tibulle lui arracha son haut des mains avec une expression suspicieuse. L'autre garçon prit cela pour une assertion et laissa échapper un rire cristallin. Il désigna d'un mouvement du bras le groupe que Tibulle avait remarqué à son arrivée sur la plage. Les adolescents les regardaient discuter.

- Là-bas, c'est mes amis. On va aller acheter à manger. Tu peux venir avec nous, si tu veux, et acheter un maillot au magasin.

Tibulle le regarda en fronçant les sourcils, toujours pas en confiance. Et si ce type bizarre était de mèche avec le boucher-charcutier ? Et s'il élevait des chacals en secret pour dominer le monde ? Et si lui aussi voulait pécho Emily ? Il fallait de méfier.

Il se décida à lui poser une unique question, espérant le piéger.

- Tu connais un boucher-charcutier ? demanda-t-il très sérieusement, son regard sondant l'autre.

- Je suis végétarien, répondit celui-ci en souriant.

Cela acheva de convaincre notre badboy. Sans plus tergiverser, il accepta et bientôt, ils partirent tous deux en direction du groupe.

- Au fait, je m'appelle Reblochon, se présenta le blond en lui tendant la main.

Après une hésitation, le brun la lui serra.

- Tibulle. Et je suis un badboy."

En deux temps trois mouvements, il fut présenté au groupe et mit un point d'honneur à ne retenir aucun prénom. Puis ils se mirent tous en route vers la ville.

" Hé Camembert, tous les magasins sont fermés à cette heure-ci, fit remarquer Tibulle après avoir réfléchi.

Mais Reblochon lui adressa un clin d'oeil. Une fille expliqua alors à Tibulle que le jeune homme avait grandi ici, et savait très bien qu'il existait un magasin ouvert la nuit. Sur ce, elle fit un salto arrière en criant "sapristi" et le badboy décida de ne plus lui adresser la parole. Plus jamais.

La joyeuse bande déambula dans les rues jusqu'à parvenir au magasin. À première vue, il ne paraissait pas ouvert. Le parking était vide et les enseignes, éteintes. Mais Reblochon se démonta pas. Il ouvrit la porte et invita les autres à entrer. Tibulle passa la porte en essayant de se convaincre que c'était une bonne idée.

L'intérieur était également plongé dans la pénombre, mais on y voyait assez clair pour distinguer l'endroit. Qui ressemblait à tous les autres magasins, mais en vide et glauque. Tibulle se retint de poser une question supplémentaire, mais se demanda dans quoi il s'était embarqué.

Autour de lui se trouvaient des fournitures de maison, comme des panières à linges, des gants de toilette ou des peignoirs de bain. Sur le côté, un peu plus loin, il trouva un maillot de bain. L'étiquette indiquait "maillot de babdoy". Sans hésiter plus, il s'en saisit. C'était pile ce qui lui fallait..

Tibulle remarqua que les autres continuaient leur chemin dans le magasin. Il n'ait pas peur du noir, mais bon, quand même. Il se hâta donc de les rejoindre, tout en se tenant à une distance respectueuse de la fille qui avait fait un salto arrière, et se mit à écouter d'une oreille distraite Reblochon parler. Même s'il était moins intéressant que lui.

Bientôt, ils y virent plus clair. Ils approchaient visiblement d'une zone où l'éclairage était fonctionnel. Il s'agissait d'un magasin dans le magasin. Tibulle n'était plus à une incohérence près. Mais à en juger par les étalages, c'était l'endroit réservé aux aliments. Il ne fit donc aucune remarque.

L'endroit était quasiment vide de monde, mais deux caisses étaient fonctionnelles. Les employés qui s'en occupaient étaient entourés d'une poignée d'autres, et discutaient. Étonnant pour une heure si tardive.

Alors que ses compagnons improvisés se précipitaient dans les rayons, Tibulle resta fidèle à son allure de badboy et paya son bien avec de les attendre un peu plus loin.

Il ne se situait pas loin des caissiers mais, derrière le mur, il ne pouvait les voir. Et inversement. Ce qui explique peut-être pourquoi il entendit clairement la discussion qui suivit.

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⏰ Last updated: Jul 15, 2017 ⏰

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