XXXIX) Imbibé par la mort

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Nara se demandait s'il était possible d'exister quand on était dans un corps dépourvu de vie.

Après tout, comment Jungkook pouvait-il être encore vivant ?

Son corps criblé de balles, qu'elle avait si souvent vu défiler devant elle ; ce corps criblé de balles, qui lui étaient si familières, mais qu'elle ne pouvait regarder trop longtemps quand elles étaient plantées dans la chair d'un être si cher.

C'était un miracle : chaque seconde où il respirait défiait la science. Comment avait-il pu marcher jusqu'à elle ? Où avait-il trouvé la force de se relever, après avoir reçu tant de balles, de blessures, après être recouvert d'ecchymoses.

Jungkook était imbibé par la mort ; son corps l'était, et il semblait qu'à chaque instant, il allait se briser en morceaux et disparaître. Quitter la vie et retrouver le repos.

Son corps était imbibé par la mort, mais s'il avait survécu, sa conscience était éclairée par la vie : c'était la seule explication possible.

Sa volonté de survivre l'avait sauvé.

Nara s'était déjà occupée de tant de cas similaires, des rescapés, des survivants qui revenaient de missions : et il n'était resté qu'elle, pour les soigner. Pour rassembler les lambeaux de chairs, les organes dépourvus de toute fonction et recréer un être humain, en état de marcher, afin de se rediriger vers le champ de bataille d'un pas régulier.

Mais c'était Jungkook ; Jungkook, son petit-ami, Jungkook, celui qui lui avait tenu la main au lycée, Jungkook, qui s'était moqué d'elle et qui lui avait souri ; Jungkook, qui se trouvait désormais sur la table d'opération.

Enfin, si c'était ce qu'on pouvait appeler le canapé de Nara sur lequel reposait Jungkook.

Où étaient les médecins ? Où étaient l'aide, quand on avait tant besoin ?

Nara n'avait pas le temps d'appeler Jimin et de lui demander de ramener les spécialistes de la maffia.

Le temps qu'arrive l'ambulance, Jungkook serait mort.

Et ce serait sa faute.

Les mains tremblantes, la respiration hachée, la vision flou, Nara commença l'opération.

Et elle ne put qu'espérer que tout aille bien.

''Jimin ? J'ai besoin de médecins. Tout de suite. Mon appartement. C'est une urgence.'' Elle ne lui donna pas le temps de répondre, ni de réellement comprendre. Quelques secondes plus tard, elle avait raccroché, se tournant vers Jungkook, qui respirait avec peine, son front recouvert de perles de sueur.

Elle avait confiance en Jimin : elle savait que dans quelques instants, tout le personnel nécessaire afin de remettre sur pied Jungkook serait là.

Mais ils n'avaient pas quelques instants à perdre ; c'était Jungkook qu'elle risquait de perdre.

Elle avait mis à son service toutes ses connaissances, lui avait occluré tous les soins possibles, mais Jungkook ne semblait toujours pas rétabli ; appeler Jimin avait été le dernier recours.

''Tu n'as pas intérêt à mourir, compris ?'' Elle lança soudainement, le ton dur, en prenant sa main dans la sienne.

Mais aucun sourire ne vint éclairer son visage.

Jungkook avait été pris en charge par les médecins.

Il était encore vivant. Il était encore vivant.

Il allait vivre.

C'était les mots que se répétait inlassablement Nara dans sa tête.

Et s'il ne survivait pas ? Et s'il s'en allait ? Et s'il disparaissait ?

Elle ne pourrait que l'attendre, après sa mort.

Parce que Jungkook l'avait toujours attendue, elle. Et même blessé, des ecchymoses partout sur son corps, du sang peint sur son âme, il était venu la retrouver ; il avait levé les yeux vers elle et elle avait compris qu'il avait fait tout ce chemin pour elle.

C'était Nara, sa raison de survivre.

Et ce n'était que maintenant qu'elle ne le comprenait.

Que faire ? Quand Jimin et Jungkook l'attendaient, lui prenaient la main, cherchant désespérément sa compagnie ?

Peu lui importait, pour l'instant. Tant que Jungkook survivait, elle savait que tout irait bien.

Nara ne sait rien.

Il n'y a que moi, le narrateur, qui sait. Je sais tout.

Et vous, est-ce que vous pensez avoir un narrateur à votre vie ? Y croyez-vous ? À quelqu'un qui connaît vos faits et gestes en avant, qui les prédit et a le pouvoir de changer les choses ?

''Nara n'est pas stupide.'' Soupira Cho, exaspérée. ''Elle comprendra immédiatement le plan et là, tout sera foutu.''

''C'est pour ça que j'en ai un deuxième.'' Répliqua simplement Lana, pas le moins du monde énervée.

''Un meilleur, j'espère ?''

''Oh, ne t'inquiète pas. Le véritable problème, c'est de voir si tu auras le courage d'exécuter le deuxième plan.''

''Est-ce que tu n'as pas peur, Lana ? C'est ta sœur.''

Elle était désespérée : une enfant à la recherche d'affection, de tendresse et d'affection.

Ça avait toujours été Nara, que ce soit pour ses parents, pour Jeon Jungkook ou pour Kim Taehyung ; Lana se taisait et refoulait ses larmes, souriant pour que personne ne se doute de la jalousie qui la consumait lentement, progressivement et sûrement.

Mais maintenant, elle savait ; elle ne pouvait plus refouler cette dite-jalousie.

Parce qu'elle l'avait complètement consumée.

« Je t'aime, petite sœur. Ne ferme jamais tes yeux : je ne sais plus où regarder sans eux. 

Je voulais te voir sourire, je voulais te voir rire, je voulais te voir rire, je voulais te voir te marier. Je voulais que tu sois heureuse.

Je t'aime, Lana. Toujours, encore, encore et encore.

Et mon amour pour toi ne s'épuisera jamais ; peu importe à quel point tu me détestes, peu importe à quel point tu me cries de m'en aller, peu importe à quel point tu me frappes, je resterai, pour te prendre dans mes bras et essayer de te convaincre que tout ira bien.

Je t'aime, petite sœur. J'espère que tu n'arrêteras jamais de briller. » 

Crazy smile - Kim TaehyungOù les histoires vivent. Découvrez maintenant