Chapitre 4

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Dimanche J+7

Je cours au milieu de la lande. L'île de San Juan offre des paysages magnifiques et sauvages. J'ai déjà traversé une forêt et une petite plage, j'ai tendu le cou en longeant le rivage dans l'espoir de voir des baleines ou des orques s'ébattre au large. Je cours pour essayer de chasser Christian de mon esprit. Sa présence m'envahit et me submerge aujourd'hui ! Christian qui se retourne, surpris et admiratif lorsque j'entre dans le salon du Heathman, ses yeux qui emprisonnent les miens au moment où je suis si vulnérable quand la jouissance m'enveloppe comme une vague et me dépose exposée sur la grève, ses doigts dans ma bouche, son corps si parfait et si meurtri, sa présence si impérieuse et évidente. Il me manque terriblement. J'ai envie de le voir. Je crois que si je n'étais pas sur cette île, je me précipiterai à l'Escala et le supplierai de me reprendre ! J'essaie de ne pas trop m'attarder sur ce que cette certitude révèle de moi. Ma conscience me regarde d'un air sévère par-dessus ses lunettes en demi-lune et me tance d'un petit « ttttt ». Suis-je vraiment incapable de vivre sans Christian ? Si je reviens vers lui, vais-je réussir à combler ses attentes ? J'ai peur de l'emprise qu'il a sur moi, j'ai tellement envie de lui faire plaisir ! Il ne m'a plus appelé depuis hier midi, peut-être qu'il commence à se lasser. Christian n'est pas un homme patient. Je l'imagine avec une autre femme, une soumise belle et docile et je suis prise d'une telle angoisse que je dois m'arrêter pour respirer profondément. Non ! Je ne peux pas le perdre, pas déjà ! Je le connais à peine ! Il a raison, il faut que l'on parle. C'est décidé, demain je lui proposerai un rendez-vous. Rien qu'à l'idée de le revoir, j'ai le souffle court et la pointe de mes seins se dresse. Ma déesse intérieure qui est aux abonnés absents depuis une semaine ouvre mollement une paupière.

Après un petit-déjeuner digne du meilleur bed and breakfast, Luke et Simon m'emmènent faire le tour de l'île. Ils sont adorables tous les deux, à la fois opposés et complémentaires. Simon est exubérant, maniéré et n'arrête jamais de parler. Luke est beaucoup plus discret, presque taciturne pour qui ne le connaît pas. Ils se chamaillent souvent, mais leur complicité est évidente et j'envie la simplicité de leur relation. Luke est vraiment très beau, dans la cinquantaine mais il en paraît dix de moins. Simon un peu plus âgé, n'est pas d'une beauté classique mais possède un charme fou, je ne connais pas une femme qui ne succombe à ses bonnes manières ! Je crois que Simon a fait fortune dans l'immobilier, ou peut-être a-t'il hérité, en tout cas le couple a tout le temps de se consacrer à sa passion : la décoration d'intérieur. Les deux hommes me font découvrir leur petit paradis : les brocanteurs aux mille trésors, les restaurants nichés dans de petites criques, le meilleur bras de mer pour faire du canoë, leur plage préférée, idéale pour contempler le coucher du soleil... Ils me parlent de tout et de rien. Luke n'est pas très bavard mais il est doté d'un humour noir et absurde typiquement anglais qui me fait beaucoup rire.

La journée passe trop vite et nous rejoignons bientôt Friday Harbor. Je les salue de la main tandis que le ferry s'éloigne du port. Ils m'ont fait promettre de revenir très vite les voir. Je ne leur ai pas parlé de Christian, ils ne sont au courant de rien. Simon m'a fait remarquer que j'avais beaucoup minci et je lui ai dit que je forçais un peu sur le sport en ce moment mais que promis j'allais me calmer !

Je rentre à l'appartement aux alentours de 20h, détendue et groggy par l'air marin. Au moment de refermer ma porte d'entrée, j'ai l'impression de voir Taylor sur le trottoir d'en face. Je scrute la rue depuis la fenêtre de la cuisine mais je ne vois rien de suspect. Je secoue la tête. Mon imagination me joue des tours !

Lundi J+8

Je n'ai pas le moral. J'ai passé un très bon week-end, en dépit des circonstances, mais ce matin Christian me manque plus que tout. Je n'ai pas eu de nouvelles de lui depuis samedi midi et une boule de chagrin se forme à nouveau dans ma poitrine. J'ai peur qu'il me rejette à présent, et s'il ne voulait plus de moi ? Je pars courir sous la grisaille puis me rends au travail en vélo. Depuis que j'ai opté pour ce moyen de transport j'arrive un peu plus tôt pour pouvoir me changer en arrivant. Le vélo en jupe ce n'est vraiment pas très pratique ! A 8h30 je suis déjà à mon poste. Je porte une de mes nouvelles tenues, une jupe crayon rouge et un petit pull moulant en coton léger rayé blanc et rouge. Penny m'a convaincue de m'acheter une jolie paire d'escarpins à fine lanières de cuir qui peut se marier avec plusieurs de mes tenues. J'ai remonté mes cheveux en un chignon lâche et je me suis même légèrement maquillée. Je n'ai jamais eu l'air aussi professionnel de ma vie !

Grey rebootOù les histoires vivent. Découvrez maintenant