Douce frénésie

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Le mauve. Je vois ma vie en mauve. Non, pas cette couleur féminine et chaleureuse qui fait fantasmer ces petites filles. Un mauve criard, agressif. Un mauve malicieux qui coule le long de ces murs. Un mauve qui n'est jamais satisfait, il en veut toujours plus. Il me vole mes réveils et mes couchés, mes absences et mes somnolences, ma musique et mes pensées. Mais il est toujours là, lui. Quand je dors, quand je cri, quand je pleurs, quand je prie, quand je meurs, quand je vie. Quand, pleine de sueur, je suis prise de frénésie. Il se démarque du noir et du blanc qui ornent quotidiennement ma vie. Il est juste un peu envahissant. Se reflétant dans chaque miroirs de mon intimité. Ces miroirs dans lesquels je me contemple, m'observe. Analyse mon jeu d'actrice exceptionnel. Ces miroirs qui témoignent de ma folie fulgurante. Une folie entretenue par cette solitude incessante. Alors, pour faire abstraction de cette dernière, je m'entoure de livres, de peluches, de mon ordinateur, de ma guitare, de bougies et de musique. J'ai dès lors l'impression d'être transporté, dans un ailleurs lointain et idéal. Un ailleurs sans tromperie ni mensonge. Un ailleurs sans tristesse ni colère. Un ailleurs paisible. Un ailleurs dans lequel je suis une personne désirable. Mais cette ailleurs s'est un jour détruit, brutalement, déstabilisé par le ruissellement des gouttes d'eau contre ma fenêtre. Ce jour-là, j'ai trouvé un nouvel échappatoire. C'est comme si j'avais découvert la pluie. J'ai pour la première fois depuis quelques mois, tourné cette petite poignée en bois massif, et ai laissé entrer cette odeur. Cette odeur qui me signaler autrefois qu'il fallait que je trouve rapidement un endroit où m'abriter. C'était comme si je faisais entrer le monde dans cette chambre. Comme pour me témoigner de la constatation de cet exploit, un éclair est apparu, suivie d'une puissante rafale de vent. Les gouttes de pluies sont devenues un torrent, un torrent qui s'est introduit dans ma chambre. Emportant sur son passage, mes tableaux, mes papiers, mes peluches et mes livres. Noyant mon univers dans la fureur des dieux. Venant arracher ce mauve de cette pièce. Me noyant, moi aussi. Je me laissais emporter par ce courant, ne sachant où je pourrais bien atterrir. Ce courant qui me propulsa dans cet extérieur, un extérieur rempli d'eau. De milliards de gouttes d'eau, je n'en avais jamais vus autant. J'en oubliais presque l'absence de ma respiration. Une absence qui m'entraîna lentement mais sûrement, dans les bras de Morphée. Des bras si puissants que je n'ai pu m'en libérer. C'est donc sur cette fin de spectacle que je tirai ma révérence, m'en allant irrévocablement vers cet ailleurs. Cet ailleurs sans nom, sans adresse. Un ailleurs anonyme.

confidences d'un vivantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant