Deux. Orbite.

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Le vaisseau tournait autour de la petite planète, flirtant avec sa stratosphère, s'approchant un peu plus de son sol à chaque rotation.
Lick ne quittait pas la surface ocre du regard. Incapable de détacher sa terre des yeux, il scrutait chaque relief, caressait chaque plaine, déshabillait du regard ce nouveau monde qui s'offrait à lui. Comme une autre dimension juste au dessus de sa tête, baignant dans la lumière de son étoile.
Pourtant, devant ce spectacle, Lick ne pouvait que ressentir l'âcre goût de l'absence du moindre éclat bleu.

Une semaine s'était écoulée depuis l'azur apparition. Une semaine sans que la moindre mèche teinte n'entre dans le champ de vision de Viktor. Pourtant, le jeune homme était obsédé par cette fraction de seconde, si bien que cette simple tâche bleue bouleversait son quotidien, comme si elle dansait dans son esprit, le narguant, hors de portée.
Elle n'était nulle part, et pourtant partout. Une marque éphèmère sur l'écran de son ordinateur. Evaporée.Une teinte inhabituelle sur l'iris de son reflet dans la salle de bain. Absente. Une rose à la couleur inédite. Inexistante.
Ses doigts restaient tremblants au dessus de son clavier. Viktor n'était plus capable d'écrire. Son quotidien, auquel il était indifférent quelques jours plus tôt, lui paraissait comme une véritable punition, une prison dont il ne pouvait s'échapper. Comme si la seule clé était cette chevelure azur.

Chaque jour un peu plus, l'aliené perdait la notion de ce qui l'entourait, cherchant, inlassablement, sa clé. Pour les autres, il ne changeait pas. Des cernes un peu plus prononcées peut être. Peu importe. Qui serait assez observateur pour le remarquer ? Pour les autres, il n'existait pas plus que durant les semaines précédentes.

Las de ses recherches, Viktor était entré dans une phase d'acceptation désolante. Il avait perdu son espoir cérulé, n'avait pas pu retrouver sa clé, s'était enfermé dans un quotidien qui lui paraissait plus fade que jamais. Pourquoi était-il resté assis alors que la tignasse disparaissait sous ses yeux ? Pourquoi n'avait-il alors pas cherché plus que le reflet d'un sourire qui ne lui était même pas adressé ? Il aurait voulu giffler le Viktor du passé. Lui hurler de courir après cette ombre insaisissable. Mais, une fois de plus, le brun se contentait de rester assis, dans un coin de classe, à assister au cours de sociologie inintéressant d'un professeur qui ne l'interrogerait pas.

A pied, sur la route sans trottoirs qui le menait chez lui, il ne voyait pas les conducteurs agacés par les bouchons de l'heure de pointe, ne prêtait pas attention à ce bébé en poussette qui pleurait son doudou disparu, écrasait inconsciemment un brun d'herbe qui tentait de s'épanouir entre deux morceaux d'asphalte.
En rentrant, il se déchausserait dans l'entrée, pousserait ses chaussures sur le coté, entrerait dans le salon, saluerait brievement ses parents puis monterait dans sa chambre. Là haut, il s'écroulerait sur son lit, tenterait peut être vainement d'écrire, puis renoncerait et contemplerait le plafond jusqu'à ce que le sommeil le trouve, ou qu'une tache bleue l'obnubile encore

Enfin, il gagna la porte de sa modeste maison de famille. Il fit tourner la poignée, ouvrit la porte grise et la referma derrière lui. Comme prévu, il se déchaussa, poussa ses chaussures sur le coté. Une fois dans le salon, décoré comme un modèle ikéa, il salua brievement ses parents puis... se figea.

Un éclair déchira soudainement la stratosphère, frappant la terre avec une violence titanesque, secouant la poussière bronze de L-47-Ors. Lick, pétrifié, attendait que le sable retombe. Enfin il le vit. Un immense diamant figé dans le sol, paraissant si minuscule du ciel, au centre d'un cratère tout aussi impressionant. Il était là. Enfin. Son éclat bleu.

-Viktor je te présente M. et Mme. Lorentz.

-Je vous en prie, appelez moi Mél

Celle qui venait de parler avait les cheveux si blonds qu'ils paraissaient blancs et un ventre aussi rond qu'une planète. Si bien que son mari, ombre frêle aux crins charbons, était éclipsé par sa prestance.
Mais Viktor ne leur porta pas un regard. La présence du couple n'avait aucune importance.

Un éclair.
Une tignasse.
Disparu.
Éphémère.
Un éclat.
Un sourire.
Bleu.
Bleu.

-Salut Viktor, je m'appelle Aether.

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⏰ Last updated: Jul 24, 2017 ⏰

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