5. Malaki

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Je fixais mon téléphone sur le bureau depuis trop longtemps. Qu'imaginais-je ? Que cet écran noir contenait toutes les réponses ? Mais il n'y avait rien, rien d'autre que cet écho de plusieurs lettres.

Urgent.

Ce mot n'avait pas été choisi au hasard, aucun ne l'était lorsqu'il s'agissait de Niré. Nous ne pouvions parler tous les jours, mais cela ne voulait pas dire que nous ne pensions pas à l'autre.

En bas, je savais que la boîte était remplie. Il y avait foule ce soir, car les cages des danseuses avaient été descendues et toutes offraient un show inoubliable.

Je me levai, délaissant un instant mes pensées pour approcher d'une vitre. Je pouvais tout voir de là, mais aujourd'hui, personne ne pouvait me discerner. Je veillais sur le Vortex avec habitude sachant que dans cette masse de gens, Damian était à la fois mes yeux et mes oreilles. Je descendais rarement pour profiter, trouvant peu d'attrait à me mêler à des gens venus s'amuser. Il y avait de tout.

Humain, loup, autre chose. Notre monde était vaste, les espèces qui le peuplaient bien plus encore. Les loups n'en étaient qu'une partie, certes conséquente, mais il y avait plus dangereux, plus létal surtout.

Les États-Unis étaient en retard sur cette connaissance, quand l'Australie – pour prendre un exemple parlant – avait des siècles d'avance. En attestait l'empereur à sa tête.

Mes yeux passèrent sur les filles. La plupart étaient humaines et bossaient ici depuis l'ouverture. Le roulement était acceptable selon moi. A priori, je traitais mieux mes employées que mes relations d'une nuit. Celle-là, je la tenais de Dyklan, forcément.

Les lumières stroboscopiques passaient sur les corps dans un jeu d'ombres psychédéliques. Mes sens de loup me permettaient de tout percevoir, jusqu'au tempo des centaines de cœurs qui battaient sous mes pieds.

Parfois, rien que de me tenir ici était trop pour moi. La foule me donnait cette sensation d'étouffement, même alors que j'en étais très loin. Conséquence de traumatismes que je tenais en laisse la plupart du temps, parce que sinon...

Je tournai le dos à la boîte pour revenir à mon téléphone. Je jetai un coup d'œil à l'heure, comptai jusqu'à dix avant d'appuyer sur le bouton d'appel relié au numéro du message.

Une première sonnerie et je raccrochai.

Là, je fermai les yeux, laissai ma tête partir en arrière sur le dossier de mon fauteuil. Tout me paraissait si calme, tranquille. L'animal en moi ne bougeait pas, en retrait, observateur de ce qui allait arriver, se dire.

Le téléphone vibra. J'attendis la troisième sonnerie avant de décrocher.

Imouto, soufflai-je dans un murmure, comme si j'avais peur d'être entendu.

Pris sur le fait. Aucune réaction à l'autre bout du fil, mais je connaissais Niré, savais qu'elle avait souri, parce qu'elle aimait que j'utilise sa langue maternelle. Étant Nippo-Américaine, Niré parlait aussi bien le japonais que l'anglais. Seulement, elle pratiquait peu sa première langue.

Son souffle, calme, ne m'indiqua qu'une seule chose ; qu'elle était en sécurité. Pour le moment, pour discuter. Avait-elle dû quitter le manoir pour ça ? Et puis, j'entendis un moteur en arrière-fond. Dans une voiture.

— Tu n'es pas en train de conduire, dis-moi ? grognai-je.

Nos réflexes nous sauvaient de bien des dangers, mais un accident de la route pouvait nous être fatal. Il existait de nombreuses façons de tuer un loup-garou et si l'argent restait le plus efficace, se faire écrabouiller par la carcasse d'une voiture fonctionnait très bien aussi.

Ce qui nous domine - Livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant