1. Malaki

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Shreveport, Louisiane

2026


« Si c'est d'amusement dont tu manques, va donc jouer dans le monde, mera beta. Mais comme rien ne dure, tu reviendras. On n'oublie jamais qui l'on est d'où l'on vient, et toi, petit loup, tu nous appartiens. »

Mon corps eut un sursaut, celui du . Assis dans mon lit, le souffle court, erratique, je ne bougeais pas. Immobile, je me rappelais l'endroit où je me trouvais.

Tu n'es plus là-bas. Tu n'es plus là-bas, tu n'es...

Chaque inspiration ancrait la pensée, la rendait plus véridique, réelle surtout. Par la fenêtre ouverte, je pouvais entendre la rumeur de la ville qui se réveillait, mais surtout, je sentais la touffeur habituelle de la Louisiane. Sur ma peau, une fine pellicule de transpiration, vestige du cauchemar qui avait accompagné ma nuit. L'un n'allait jamais sans l'autre, et ce, depuis ces dix dernières années.

Chaque heure de sommeil me laissait épuisé, éreinté, mais cette fatigue n'était pas physique.

Tu n'es plus là-bas, me répétai-je une ultime fois.

Non, bonhomme, tu es en sécurité.

La voix résonna dans mon esprit en même temps que j'entendis l'eau de la douche couler en une cascade continue. Ce fut seulement à ce moment-là que je me souvins. Peut-être la robe et les sous-vêtements au sol furent un bon indicateur. J'avais encore ramené une fille pour une nuit. Et voilà qu'elle se prélassait dans ma douche. Je repoussai le drap et, à poils, me retrouvai dans l'encadrement de la petite pièce jouxtant ma chambre. Elle était là, de dos, dévoilant un immense tatouage qui partait du creux de ses reins à son omoplate droite. Moi-même, j'en avais quelques-uns sur le corps, alors je savais reconnaître du bon travail quand j'en avais sous les yeux.

La fille se tourna, consciente de ma présence, et si un début de sourire fleurit sur sa bouche pleine, elle le perdit vite. Je la connaissais, pas seulement pour l'avoir croisée, mais parce qu'elle et moi faisions partie de la même toile.

Elle coupa l'eau, attrapa la seule serviette sur le portant pour s'enrouler dedans.

— Les autres m'avaient prévenue, commença-t-elle, mais j'espérais...

— Être différente ? l'arrêtai-je d'un air goguenard. Sèche-toi et casse-toi.

Je lui tournai le dos pour rallier ma cuisine quand son « connard de Second » fusa. Je ne m'en offusquais pas, comme d'habitude, car l'avis général de la meute rejoignait le sien. Cet état de fait ne faisait qu'écho à une réalité que j'acceptais et qui m'allait très bien. J'avais beau être le problème, je n'étais pas prêt à faire des efforts.

J'attrapai un vieux short qui traînait sur le dossier du canapé au passage et m'en habillai avant de me préparer un café. Mes yeux se tournèrent vers la fenêtre, qui dévoilait le début d'une journée qui serait encore trop chaude. Moite. La météo dans cet État était un repousse-loup à elle toute seule, mais ça n'empêchait pas les nôtres d'y vivre. Comme nous avions déjà une température corporelle plus élevée que le commun des mortels, les vagues de chaleur n'aidaient pas.

Ma première gorgée s'accompagna de la porte d'entrée qui claqua. Une de plus qui pourrait maudire mon prénom et défier les autres de coucher avec moi.

Le silence s'installa, me permit de repousser les vestiges du cauchemar. Un mouvement attira mon attention. Le chat entra, en territoire conquis, rachitique et ébouriffé. Il émit une complainte aiguë avant de venir se frotter à mes jambes, sans même se soucier du prédateur que je représentais. Certains animaux avaient plus de jugeote que d'autres à ce stade. Cette boule de poils n'était pas en reste ; combien de fois l'avais-je retrouvée en sang, des plaies sur tout le corps suite à des combats avec ses congénères  Quand ce n'étaient pas les gamins qui aimaient s'en prendre aux animaux.

Ce qui nous domine - Livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant