Les paroles, « il n'aurait jamais dû voir le jour ! ».
Les gestes, comme s'il tranchait l'air de sa main.
La souffrance, vive et aiguë, comme si on l'avait transpercé de part en part.
Regardant dans le miroir cette immonde cicatrice qui barrait son sternum, le squelette esquissa un rictus sans joie avant de laisser retomber sa tunique. Cela avait beau s'être passé le jour même de sa naissance, il s'en souvenait comme de la veille : un effet secondaire de sa magie intemporelle, probablement.
Depuis lors, une haine féroce et viscérale rampait dans son âme à l'encontre de son géniteur, mort il y avait de cela des siècles, mais qui subsistait dans une forme de demi-vie accordée par la Mort en personne, son deuxième père : c'était bel et bien le premier qui avait tenté de l'assassiner, et le deuxième qui l'en avait empêché, dans l'un de ces éclats de sobriété qui se faisaient de plus en plus rares chez lui.
Soupirant imperceptiblement, Goth rabattit sa capuche sur son crâne, dissimulant sa blancheur laiteuse sous la toile d'un gris foncé pratiquement noir. Fermant ses orbites qui ne renfermaient qu'une unique pupille d'un rouge sanglant, en écho à son interminable écharpe, il invoqua son instrument de mort, sa Faux, dont la redoutable lame courbée avait été peu à peu teintée d'argent par les multiples couches de poussière cristallisées.
Il était une heure et exactement vingt-quatre minutes du matin lorsque le fils de la Faucheuse se mit en chasse.
* * *
Quelques heures plus tard
L'aurore pointait ses doigts timides à l'horizon, teintant le ciel de rose et d'or : la mince silhouette noire juchée sur le toit de l'hôpital délabré faisait contraste frappant avec ces couleurs pastels. L'ombre de son instrument de travail planait sur lui comme quelque mauvais augure : il n'avait cure des regards qu'on lui lançait d'en bas, craintifs, effrayés, parfois même coléreux. Lui ne voyait pas même le soleil, astre de jour, qui lui brûlait les orbites à faire poindre des larmes sur ses pommettes osseuses.
Non, sa pupille solitaire était tournée vers l'intérieur, vers son mental fracassé par des années de lutte incessante pour la survie, pour le respect, pour que l'on reconnaisse son existence, voire pour qu'on lui reconnaisse le droit de vivre !
Jusqu'à présent, seules deux personnes avaient eu droit à cette facette torturée de sa personnalité, et encore, l'une bien moins que l'autre, car au rapprochement plus récent : le premier, bien que cela fût étonnant, se trouvait être ni plus ni moins que l'homme de feu, Grillby, qui tenait le bar éponyme d'une main de fer. Il s'agissait à la fois de son plus proche confident, tout en restant relatif, et de son fournisseur personnel de gin... sans oublier les divins chocolats chauds dont il avait le secret, et dont Goth raffolait.
Le deuxième, c'était une autre paire de manches. Si l'évocation du barman avait quelque peu ragaillardi le Faucheur, penser à Rurik le retournait de l'intérieur, sans que rien ne se voie sur son visage : il était devenu bien trop habile à dissimuler ses émotions, au point de réussir parfois à les cacher de lui-même.
Connaissant l'existence des univers alternatifs, au même titre que tout un chacun, il savait que sa version originelle filait le parfait amour avec son âme sœur, qui n'était autre que celle de Rurik. En toute logique, et cela ils le savaient tous les deux, cela voudrait dire qu'eux également étaient destinés à être ensemble.
Ils en avaient ri, au début, de cette moquerie qui leur allait si bien : lorsqu'ils étaient ensemble contre le monde, leur impertinence ne connaissait plus de bornes. Leur amitié était à leur image, tordue et violente, basée sur une relation de dépendance pour la survie.
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Faucheur à l'âme craquelée
ФанфикQue se cache-t-il derrière le masque d'indifférence du Goth d'Underfell ? Depuis que Geno a tenté de le tuer, sa confiance ne réside que dans peu d'êtres, et son propre père n'y figure pas. Alors qu'il quitte la maison pour faucher les âmes des mou...