La fille

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"Hélas ! il n'est pas facile de rencontrer l'âme avec laquelle on voudrait faire le voyage de la vie." Laure Conan, L'obscure souffrance

Dans ma classe, il y avait toutes sortes de personnes. Comme partout ailleurs à vrai dire. Mais ici, je sentais que je pouvais être moi-même et faisait en quelque sorte de mon cas une généralité en pensant : "Puisque je suis comme cela, tout le monde l'est", ce qui restait évidement à prouver. Depuis que la fille sur laquelle je lorgnais depuis des mois m'avais adressée la parole, je me sentais comme une sorte d'Hercule avec deux mains gauches et un pas chancelant. J'avais l'impression d'être le gars le plus cool sur cette terre !

Assise à son habituelle place au fond près des fenêtres à contempler le paysage côté campagne. Je n'aurai pu dire si dans ses rêves elle parcourait l'Alaska - pays qu'elle adorait suite à la lecture d'un roman - ou, si elle se contentait d'admirer un patchwork de champs roux et dorés. En revanche, je savais qu'elle était calme mais pas timide. Si elle avait quelques chose à dire, elle le disait et ce, sans détour, parce qu'elle était Mackenzie Tallandier. Parce que c'était elle, la fille, la rencontre qu'on n'imagine pas mais qu'on attends depuis toujours et qui débarque dans votre vie sans prévenir et la change à tout jamais sans qu'on ne sache si c'est une bonne ou une mauvaise chose.

Contrairement à ces clichés sur les filles qui pullulent - et qui parfois se revelent vrais , elle ne semblait pas avoir de trouble alimentaire et ne paraissait pas avoir d'envie suicidaire. Elle ne parlait pas constement de garçon ou de sujet lié comme la nouvelle paire de botte qu'elle venait de s'acheter ou encore la différence entre rouge carmin et rouge grenade. Elle ne passait pas trois ans en intercours à se repomponer, je crois même qu'elle se foutait pas mal de son physique tant qu'elle était propre. Elle sentait la noix de maccadamia et la poussière des jours de pluies en été.

Mackenzie des cernes descendant jusque sur ses joues, Mackenzie ses petits yeux aussi clairs que du verre, fatigués, Mackenzie avec ses cheveux noirs, frisés s'arretant au niveau des épaules, qu'elle ne prenait pas la peine de coiffer et son air impassible constant. Avec son gros hoodie orange et son pantalon de costume gris, ses derbies vernis rose et sa chemise imprimée tartant vert autour de la taille. Sans oublier ses chaussette dépareillés. Au moins, au passage de Mac tout le monde se retournait.

Elle se nourrissait exclusivement de fruits et légumes de provenance connue par elle, issus du commerce équitable. Elle était végétarienne et prenait soin de l'environnement, l'an dernier, Julie Pasquier l'avait insultée de "sale hippie bouffeuse de graines" à cause de ses habitudes peu conventionnelles. Mackenzie trainait toujours avec Bonnie Olsen et Graham Ancelin, c'était sans doute le pourquoi de l'insulte de Julie. Elle n'avait jamais pu supporter Graham. Pourtant, ils ne s'étaient jamais échangés un mot !

Je savais qu'elle avait eu deux relations. "Les deux étaient superficielles", avait elle confiée à Bonnie alors que je passais à côté. Je savais pas si c'était parce que ses anciens copains étaient des connards ou si c'était parce que Mac était compliquée que ça c'était terminé, mais je m'en foutais pas mal. Tout ce que je savais, c'était qu'un nombre très limité de personnes avaient l'occasion de faire connaissance avec Mackenzie Tallandier. Je savais pas non plus si cette fille était un puzzle ou si je me faisais des films, mais ça importait pas. Une aura mystérieuse planait autour de cette fille, je le sentais, le savais.

De toute façon, je vois pas ce qu'elle aurait à dire à Daniel Guillot ? Un type dont on connaissait à peine l'existence généralement ou à qui on demandait simplement de l'aide pour suivre en maths. Elle était comme un grand arc-en-ciel tandis que j'étais une bouche d'égout débordante un jour de pluie. J'étais une carafe d'eau désespérément fade tandis qu'elle était un met exotique. Pourtant, elle l'avait fait. Elle m'avait parlée et ce, à plusieurs reprises.

Avec mes longues dreadlocks noires, mon teint clair, mes yeux bleus, mes tâches de rousseurs et mes boutons d'acné sur ma barbe naissante, les gens me prenaient pour un type cool qui  aimait la fumette et les soirées - ce que je n'étais pas. J'avais fini par me percer l'arcade sourcilière et y avais incrusté un anneau pour casser mon étiquette ; puis, j'ai avoué à tout le monde que les dread servaient à cacher des oreilles trop pointues à mon goût. Je restais toujours avec Ruben Hosmond et Elijah Martin. Je les avais rencontrés le jour de la rentrée par un pur hasard. Je suis le genre de personne à apprécier la solitude et, ce jour-là, le réfectoire était plein, je n'avais d'autre choix que de m'attabler avec des inconnus. C'est alors que Ruben, dont je ne connaissais pas le nom à l'époque m'avait interpellé et proposer de les rejoindre. Suite à cette - petite - mésaventure, je n'ai jamais lâché ni Ruben ni Elijah. Par contre, Elijah lui, nous as bien lâché. Dès que Maude - qui était l'amie l'amour secret de Ruben - s'est mise à nous coller et à draguer Elijah très lourdement, lui faisait les yeux doux et étant aux petits soins pour lui, Elijah s'est mis à nous éviter. Puis est arrivé le jour où Ruben et moi étions les derniers au courant du tout nouveau scoop de Romy : "Elijah et Maude sortent ensemble". Après quoi, j'avais silencieusement réconforté Rub. Je n'étais pas doué pour ces choses-là, mais l'intention était présente.

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