Le club d'échec et l'adoption express

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"Personne n'est plus arrogant envers les femmes, plus agressif ou méprisant qu'un homme inquiet pour sa virilité" - Simone de Beauvoir.

Dimanche, j'avais eu l'occasion de voir une vraie partie d'échec avec mes cousins : Siméon et Agathe. La journée s'était déroulée sans accrocs : si on oublie Billy qui avait vraiment voulu emmener Le Chien, comme il appelait son Carlin. J'avais revu mon autre cousin, Anatole, qui revenait de son bénévolat en Inde. Il nous avait raconté une centaine d'anecdotes sur les autres bénévoles ou encore sur cette nouvelle culture qu'il avait découvert. Les yeux remplis d'étoiles, Agathe s'était suspendue à la moindre parole de son aîné. Et, alors que la petite brune s'était attendue à une partie d'échec aussi ennuyeuse qu'un match de foot organisé par des retraites amorphes, sans irrespect envers les retraités ou les matheux, elle avait juste adoré regarder toute ces techniques de fin stratèges. Et, pour ne pas mentir, Siméon et moi nous étions pris au jeu, si bien que j'avais envie de m'inscrire au club d'échec du lycée. Pour finir, au moment de rentrer chez moi, j'avais dû annoncer à ma tante la procédure de divorce de mes parents, sachant pertinemment qu'aucun des deux ne lui aurait dit, comme s'ils cherchaient à l'éloigner.

J'avais espérer me réveiller sous un soleil tapant du mois de Mai, mais visiblement, l'univers tout entier étant contre moi, j'avais droit à l'une de ces pluies diluviennes du Printemps. Sac sur le dos et chaussures aux pieds, je m'empressais de quitter la maison afin de ne pas entendre une nouvelle altercation entre mes parents. J'en avais marre d'entendre mon père critiquer cet Andréa, nouveau conjoint de ma mère qui n'avait pas encore de visage ; et, ma mère lui répliquant qu'elle avait bien vu en vingt ans de mariage avec quels yeux il regardait madame Chauvel. Je me retrouvais seul, impuissant au milieu de tout ce vacarme. Alors, je m'évadais par le biais de la lecture, de la musique et, j'avais même essayé de fumer. Voyant une grande partie des jeunes de mon age fumer, boire ou utiliser des méthodes plus extrêmes dans le but de fuir la vie réelle, j'avais moi aussi, envie de me donner un avis sur la question. Résultat: je n'aimais vraiment pas le tabac et, quoi qu'on en dise, ça donnait vraiment mauvaise haleine. Cependant, la plupart du temps je trouvais refuge chez Siméon. Chez eux, tout paraissait plus léger. Pour donner une image, aussi ridicule soit elle, j'avais l'impression d'être une ballon translucide flottant dans une mer de bulle. Alors que chez moi, j'étais cette pomme sur laquelle on visait au fusil.

Habitant à quelques pas du lycée, je n'avais pas à prendre le bus. De plus, ce matin, j'étais particulièrement pressé. Rosé à qui je ne parlais pratiquement jamais m'avait demandée de la rejoindre un peu plus tôt. Ce que j'avais fait. Assis sur les marches devant la grille, j'attendais que la rouquinne daigne pointer le bout de son nez.

Après dix minutes d'attente, je détournait mon attention sur un livre.

" - C'est quoi une belle personne? Envoyait l'inconnu à Jasper Brookfield.

- Selon moi, une belle personne, c'est quelqu'un qui s'intéresse au monde qui l'entoure et qui puisse remarquer toute qualité et défaut de cet univers mais qui puisse l'apprécier à sa juste valeur. En voulant l'améliorer sans jamais le détourner de ce qu'il n'est vraiment. Une belle personne, c'est quelqu'un bourré de défauts, loin de ces idéaux insipides que la société nous fait croire que nous aimons. Une belle personne, c'est une personne dotée de la réflexion, de la fidélité et de l'espoir. Une belle personne c'est toi, c'est moi, c'est ce vieillard qui piste tout le monde de sa fenêtre, c'est cette boulangère qui te réserve le pain chaud du matin car Dieu sait que tout le monde aime ça.

Jasper avait répondu à cet anonyme sans savoir qu'il allait changer sa vie."

Après la lecture d'un court extrait, je m'empressais de ranger mon livre. Si quelqu'un me voyait lire une quelconque romance, le peu de virilité présent en moi aux yeux des autres eleves decamperait bien vite. J'avais, heureusement , pour remédier à ça, eu l'idée de changer la couverture de mon livre. Tout le monde devait penser que je lisais l'apologie de Socrate ce qui sauvait un tant soit peu mon image. Rosé se tenait enfin au pied de l'imposant escalier verdâtre du lycée Liberté de Fontainebleau.

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⏰ Last updated: Aug 04, 2019 ⏰

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