Le Reiser ou l'autel de la barbarie.

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Lieu sordide où le mort côtoie l'agonisant. L'horreur règne seule au milieu de la puanteur des chairs infectées, des gémissements inhumains de douleur. Nul Malebranche ici, avec fouet et matraque à la main. Non, le crime est seulement équipé d'un scalpel et d'une seringue.

Brusquement, le Reiser sort de son état comateux. "Karacho ! Karacho !" Voici les Malebranches à la piqûre qui arrivent...

Alors on fait se lever les blessés qui redressent vaillamment les épaules, bombent le torse, jouant la partition que les diables Aryens ont composée pour eux. Certains, trop affaiblis pour se lever, restent couchés. Ils signent leur arrêt de mort.

Lorsque le choix sera fait, ils seront délivrés par la piqûre à la pointe induite de thénol. La douleur ne sera plus qu'un mauvais souvenir d'une vie révolue.

À chaque visite, les trois quarts de cette "infirmerie" de misère y passent. Il faut presque mieux se laisser mourir dans sa baraque plutôt que d'agoniser dans cet infernal mouroir infecté des miasmes de la haine et de l'effroi.

Le zèbre attend devant le médecin. Il sait ce qui l'attend puisqu'il a été choisi. Il sera le premier à mourir aujourd'hui. Mais il ne se fond pas en suppliques désespérées. De toute manière, il n'en a pas la force. Lutter pour sa survie demande trop d'énergie quand on n'a plus rien à fournir d'autre que le regret d'une vie passée - et encore.

Son attitude agace l'autre qui a l'habitude de voir ses sujets trembler de peur. Il brandit sa seringue comme une arme sans provoquer une réaction chez le zèbre. Rageur, il l'enfonce dans une veine qu'il a choisi au hasard, se saisit des débris d'une chaise cassée quelques jours auparavant pour le frapper méthodiquement. Le corps sanguinolent s'effondre à même le sol, privé de son souffle de vie crucial et défiguré par la haine du prétendu médecin.

Il ajuste le col de sa veste, déplore une tache de sang sur sa manche, force les traits de son visage à s'étirer en un sourire avenant et passe au suivant, pétrifié par le sort de son prédécesseur. 

Il était un mur... - De cendres et d'osOù les histoires vivent. Découvrez maintenant