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Oh non, je ne l'ai pas embrassé. Je sais, je vous ai fait un putain de faux espoir, mais bon, embrasser quelqu'un pendant son sommeil, c'est pas du jeu ! C'est comme si je le forçais. Et il est hors de question que je le force à faire quoi que ce soit ! Alors je me suis rallongé. Et j'ai dormi. Bien dormi même.

Je l'ai gardé près de moi. Sa peau réchauffant la mienne. Ses cheveux rentrent dans mon nez, et ça me fait rire. Son odeur est parfaite. Il est parfait. Et détruit. Le matin et l'instant où il s'est réveillé est arrivé plus tôt que ce que je pensais. Mais j'étais en forme, et prêt à affronter cette journée, à ses côtés.

On a déjeuner. Vite fait. Sans un mot. Je ne sais toujours pas s'il a entendu un mot de ce que je lui ai dit la veille, mais je le saurais bien assez tôt. Je lui demande ce qu'il a prévu de faire aujourd'hui.

-Rien. Je veux juste rester au lit. Fait un truc, toi, si tu veux.

-Comment veux-tu que je fasse un truc exactement ? Tu te rends compte que je suis même pas capable de sortir dans la rue sans me faire renverser !

-Qu'est-ce que tu en sais ? Essaye !

Il se peut qu'à ce moment précis, j'ai eu envie de le frapper. De le cogner jusqu'à ce qu'il comprenne que je me suis vraiment fait du souci pour lui, que je suis sorti le chercher. Et que j'étais dans un état presque second lorsque j'ai enfin réussi à rentrer. Mais j'ai desserré les poings. Pas envie de le frapper ce matin. Ça reviendra peut-être plus tard dans la journée.

J'ai baissé la tête, préférant chercher ma tartine sur la table, et la déguster en silence. J'ai renversé mon bol de lait. Je le bois le plus souvent froid, et heureusement, sinon j'aurais brûlé Fred au troisième degré. Les insultes ont explosées dans l'appartement. Et si je n'ai pas levé la main sur lui avant, lui en a eu envie. J'ai entendu le son de la chaise grincer sur le sol.

J'ai senti le sol vibrer sous ses pas. Il se rapproche. Je n'arrive pas à savoir de quel côté. Je me relève aussi, le plus rapidement possible. Les insultes pleuvent toujours. Les mêmes qui reviennent à chaque fois. Elles m'atteignent en plein cœur. Me traverse et me scient au sol. Je me sens mal. Un mal qui est physique autant que moral.

La douleur vient. La sensation de décoller du sol. De ne plus rien sentir sous ses pieds. De ne plus savoir si la terre est encore là. Mais elle est bien là. Le sol, je le retrouve. Dur. Douloureux. Sans pitié pour ceux qui tombent. La douleur passe de mon épaule jusque dans ma nuque. Je me raidi, involontairement. Je pense à respirer une fois, mais rate la deuxième.

Je crache un truc visqueux dans ma bouche qui m'empêche de reprendre de l'air et de le conduire jusque dans mes poumons. Je plaque mes mains au sol. Je cherche la force de me redresser pour trouver une meilleure position.

Fred s'éloigne. Les insultes ne sortent plus de sa bouche. Plus rien n'en sors. Une porte claque au fond. Je pleure. Honnêtement, je ne pleure pas pour la douleur physique. Mais pour Fred. Il n'est plus lui. Il n'est plus ... Fred. Je ne sais même pas s'il sait qui il est. Pendant mon propre deuil, je n'en suis jamais arrivé là où il en est aujourd'hui. La violence, je l'infligeais à un sac de boxe à la salle de musculation.

Je me suis tourné sur le dos. Et j'ai attendu. Je n'ai pas bougé. Je ne voulais pas. J'ai enlevé mes lunettes. Mes mains sur mes paupières, j'appuie. Je cherche à enfoncer mes yeux vide. Je cherche la sensation. Le ressenti.

Et je sens une main. Elle n'est pas à Fred. Elle est plus douce, plus délicate.

-Je suis navré, j'ai entendu les hurlements ... Vous allez bien ?

BlindOù les histoires vivent. Découvrez maintenant