Chapitre 3 : Premier Contact

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Prime, an 7422 a.E.H

Le vaisseau s'approcha de la station qui se trouvait au centre de la galaxie. H337 regarda quelques minutes la station, tandis que son vaisseau s'auto-pilotait vers une piste d'atterrissage.

Lui qui passait le plus clair de son temps à explorer l'univers, son programme était plus habitué - pour autant qu'un robot puisse avoir des habitudes - à fréquenter des ruines de toutes civilisations, et moins à côtoyer les siens dans leurs "villes". Les cités des robots étaient très différentes de celles des autres espèces. Là où la plupart avaient des commerces, des immeubles ou de simples maisons, des entreprises diverses et des lieux publics, il n'y avait chez eux que de grandes tours grises, toutes plus ou moins de la même taille, qui ne servaient qu'à produire de l'énergie, et alimentant tout ce qui en avait besoin : les robots, les vaisseaux amarrés, la station et les serveurs de Shepherd.

Une fois au sol, H337 se dirigea rapidement vers les serveurs. Il devait faire son travail : archiver ses découvertes. Deux décénnies environ s'étaient écoulées depuis le passage de H337 sur ce qu'il restait de la Terre. Le xénobiologiste effectua rapidement le transfert des données à Shepherd. La routine, pour ce robot.

* * *

Ce fut la première fois.

Ce jour, qui était entièrement anodin, a marqué un tournant dans ma... durée de fonctionnement, qu'un être vivant appellerait "vie". Ce jour ci, je pris réellement conscience de ma différence avec mes congénères. Car en marchant vers mon vaisseau et en effectuant ces mêmes gestes que j'ai effectué pendant ces 367 dernières années, des mouvements devenus mécaniques - sans vouloir faire de mauvais jeu de mot, je me surpris à rêver.

Je me surpris à rêver d'une vie différente. Que quelque chose se passe. Qu'un événement imprévu, une variable aléatoire, vienne perturber la monotonicité de mon fonctionnement.

* * *

Un bip retentit dans la tête de H337, l'arrachant à ses songes. Suivi d'une transmission qui laissa le robot perplexe, pour la première fois de sa durée de fonctionnement. Il n'arrivait pas à choisir quelle action effectuer, et ce calcul impossible le travaillait.

"[Voix féminine] Rendez-vous aux coordonnées suivantes : 14h 29m 42,9487s ; -62° 40' 46,141".

[bruit blanc]

[Voix synthétique] Dépêche-toi, H337. Tu as besoin d'eux."

Le robot, qui comme tous ses congénères était constamment relié à Shepherd, chercha dans les connaissances de la supra-entité ce que désignaient ces coordonnées. Il découvrit qu'il s'agissait de l'étoile Proxima du Centaure. Le message ne lui était sûrement pas adressé. Du moins, pas la première partie, lui semblait-il... Car il n'y avait pas d'autre H337. Il pesa le pour et le contre, restant parfaitement immobile au milieu de la foule de robots qui marchaient.

Une heure et demi plus tard, un vaisseau en forme de sphère à laquelle était accrochée deux ailes vaguement triangulaires décollait en direction de Proxima du Centaure.

* * *

Je ne sais pas vraiment ce qui, ce jour-là, me poussa à décoller. Peut-être une forme de curiosité... Peut-être est-ce là ce qui me rend différent de mes semblables.

Je peux décider sans l'avis de Shepherd.

* * *

Le calme spatial fut perturbé par l'apparition d'un trou de ver, qui disparut aussi rapidement qu'il vint, laissant sa place à un vaisseau spatial de forme sphérique filant à toute vitesse vers Proxima. Il ralentit progressivement à l'approche de l'étoile puis se fixa en orbite.

À l'intérieur du cockpit, H337 lança un scan pour détecter les ondes radio émises sur la fréquence du message qu'il avait reçu. Elles étaient émises de ce qui semblait être l'épave d'un vaisseau d'un autre temps. Épave n'était peut-être pas un mot approprié, selon le xénobiologiste, car outre la déchirure sur le flanc du vaisseau, il semblait encore fonctionner puisque son antenne était illuminée ainsi que quelques hublots. Le robot remarqua un vaisseau, amarré à l'arrière de l'épave.

Le vaisseau sphérique glissa sans un son dans le vide de l'espace vers le vaisseau d'où émanait les ondes radios. Ne pouvant s'y amarrer, il s'arrêta simplement au niveau de la déchirure dans la coque, et y lança un treuil magnétique comme amarre de fortune. H337 ouvrit le cockpit qui était d'ors et déjà vide d'air, le robot n'ayant pas besoin de respirer. Il se pencha en avant et empoigna le câble du treuil, et rampa pour pénétrer le vaisseau. La déchirure était large de deux mètres et haute de cinq, sur la bonne dizaine de hauteur du vaisseau. Il était long d'une quarantaine de mètres à peu près, estima H337.

L'intérieur du vaisseau était sombre, et froid, bien que le xénobiologiste ne fut nullement affecté par les basses températures. Il se fraya un passage à travers les gros câbles qui traversaient ce qui était autrefois un couloir. Ils servaient probablement à raccorder les circuits électriques du vaisseau. Le robot ouvrit manuelle un sas, et une fois à l'intérieur, sortit son biodétecteur. Il vit un point rouge clignoter brièvement, mais le radar semblait être brouillé. Il en conclut deux choses : soit quelqu'un brouillait les radars à proximité, soit il y avait des interférences.

H337 avança sans faire aucun bruit. Il rejoignit l'arrière du vaisseau, pour y découvrir le sas d'amarrage auquel était relié l'astronef. Il vit quelqu'un entrer dedans. Une silhouette humanoïde, et couverte d'un épais manteau, de sa stature à peu près. Il avança prudemment. Un tuyau complètement rouillé de l'autre côté de la pièce éclata sous la pression qu'il y avait à l'intérieur. Le bruit fit se retourner la silhouette. Le robot eut le temps de se cacher juste avant d'entrer dans le champ de vision de l'inconnu. Il aperçu juste avant de se cacher une main robotique. Ne sachant si l'individu était ou non un robot, il préféra ne pas se montrer. H337 entendit le bruit du vaisseau qui se décroche, et sentit la secousse de l'allumage des moteurs de ce dernier. Il sortit lentement de l'ombre et avança vers la fenêtre du sas, plein de question. Était-ce un robot ? Ou bien était-ce un des derniers humains, qui avait été mutilé pour une raison quelconque et à qui on avait greffé un bras robotique ? Il n'écartait aucune théorie.

Sa surprise fut complète lorsqu'il entendit le vrombissement d'un taser, une demi-seconde avant de sentir sa brûlure à la base de sa nuque, puis de tomber au sol, court-circuité.

RISEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant