Happier

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Allongé sur son lit, Damien regarde avec attention le plafond blanc immaculé. Cela fait un mois qu'il l'observe, ne se levant que pour satisfaire ses besoins primaires, vivant comme un fantôme, ne faisant attention à rien. Un mois déjà. Il y a un mois, tout allait bien. Il était heureux. Chaque jour était une redécouverte. Il pensait bien se connaître, mais par amour, il en faisait bien plus qu'il ne pensais. Par amour, il cuisinait sans rechigner, se tuait à la tâche sans jamais protester, tout ça pour un petit sourire au coin des lèvres de son amant. Par amour, il prenait plus soin de Thomas que de lui-même. Par amour, il aurait tout fait, ne demandant qu'un simple baiser en remerciement.

Seulement, en un clin d'œil, cette amour avait disparu. Sans s'en rendre compte, il avait commencé à être insupportable, autant pour son entourage que pour lui.

Pourquoi ?

C'est la question qu'il se pose depuis un mois.

Des larmes salées coulent le long de ses joues, en repensant à tout ce qu'il avait pu faire comme bêtises. Il avait commencé par ne plus sortir pour aller faire des courses. D'ordinaire, ils y allaient ensemble, Thomas et lui, mais il en avait eu assez et avait finit par le laisser faire seul. Puis il s'était mis à s'énerver contre lui, parce qu'il avait oublié de prendre ça, ou qu'il avait dépensé de l'argent inutilement. Thomas ne disait jamais rien, se contentant de ranger ses achats dans les placards, attendant que l'orage se calme. Mais un jour, n'y tenant plus, il lui avait hurlé :

« Si tu n'es pas content, viens faire les courses avec moi ! »

Puis il était allé s'enfermer dans leur chambre, jusqu'au lendemain. Damien n'avait pas bougé. Au bout d'une heure, il était allé se chercher une bière avant de se rasseoir dans le canapé. Toute la nuit, il s'était soûlé. Au matin, quand Thomas était sorti, les yeux bouffis, de son antre, il avait trouvé les sacs de courses en plein milieu du salon, inchangés de place, et Damien endormi sur le canapé, une bouteille à la main. Il avait alors tout rangé, même les bières vides de son amant. Quand ce dernier s'était réveillé, avec un mal de crâne phénoménal, Thomas était parti. Il n'était revenu que le soir, un sourire étrange aux lèvres. Ils s'étaient embrassés, sellant dans un accord silencieux cet épisode au fond de leur mémoire.

Damien avait continué à boire en cachette. Il avait porté une attention toute particulière au fait que Thomas ne découvre rien de sa nouvelle passion. Peu à peu, il était devenu grossier, trop grossier, et violent. Invivable. Pourtant, il aimais toujours Thomas. Mais ses sentiments étaient devenus invisibles, cachés sous l'alcool. Lui-même ne les voyais plus. Il ne voyais pas non plus la détresse de Thomas. Ce dernier s'était construit une carapace autour du coeur, se repliant sur une douleur que Damien n'avait pas remarquée. Il aurait dû voir les signaux que lui envoyait Thomas, mais il préférait fermer les yeux et se noyer dans la boisson. Plongé dans un état comateux après avoir bu, il n'entendait pas les cris de Thomas quand celui-ci se mutilait. Lors de leurs câlins, devenus trop rares, il ne faisait pas attention aux cicatrices qui couraient sur les bras de son bien-aimé. Il était devenu un poison pour Thomas, et l'amour qu'il lui témoignait n'était plus assez fort pour le combattre.

Un matin, il ne s'était pas levé. Il avait compris. Les yeux levés sur le plafond blanc immaculé, il avait sentit la place à coté de lui froide. D'un froid glacial. Cela fait maintenant un mois qu'il reste dans ce lit où rien n'arrive à le réchauffer. Les souvenirs heureux ont été remplacés par la douleur. Les sourires ont disparu, écartés par cette même douleur. Les baisers, les étreintes, tout a disparu. Il ne reste que de la douleur. Comme il ne bouge plus, il a arrêté de boire. Au début, il avait voulu aller se chercher quelque chose de fort pour oublier, mais il n'avait pas eu le courage de se lever et de voir que Thomas avait bel et bien disparu de sa vie. Son corps avait peu à peu cessé de réclamer l'alcool, se sevrant doucement. La cigarette, qu'il touchait de temps en temps avant, piochant discrètement dans le paquet de Thomas, ce besoin que tant de personnes assouvissent malgré les conséquences, il n'en avait plus envie. Tout ce qui lui avait fait du mal, il l'avait arrêté. Sa vie aussi. Il avait arrêté de vivre : c'était la cause de sa douleur. Cette vie qu'il avait tant aimée était devenue trop dure.

Regrets [OS Terraink]Where stories live. Discover now