Chapitre 11

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              Plusieurs heures plus tard, quand toutes les larmes de son corps sont sorties, nous nous levons avec peine. Le visage de Margot ne doit pas être beau à voir entre le maquillage qui a coulé et le sang séché. Je lis une détermination en elle, mais pas une détermination qui me plaît, au contraire, cela me terrifie. J'ai l'impression qu'une idée obscure, pour l'instant trop abstraite pour que je la devine, naît dans son esprit. La jeune fille a pris conscience de quelque chose et ça ne me dis rien qui vaille, et j'ai raison de le penser... On part donc en direction du mobile-home en prenant bien soin de passer par des chemins sombres, histoire que personne ne nous croisent. Au loin, on entend encore les jeunes rirent autour du feu. Margot ne peut s'empêcher de trembler et nous ne parvenons pas à marcher droit, comme des ivrognes alors que nous n'avons rien bu. C'est comme si ses jambes étaient trop faibles pour porter la honte qui pèse sur ses épaules. J'aimerais la rebooster, lui dire que tout ira bien mais j'ai moi-même du mal à y croire. On a bien vu de quoi était capable ce mec et ça me fait m'hérisser les poils rien que d'y repenser. Quand on atteint la porte-fenêtre qui fait office d'entrée, on s'arrête un moment pour se composer un visage avec un semblant de dignité au cas où ses parents seraient réveillés. Après tout, il est proche des deux heures du mat' et elle n'avait pas la permission de sortir. En entrant je m'attends à une bonne remontrance de la part de ceux-ci mais suis étonnée de voir que tout est éteint et que tout le monde semble dormir. Pour ma part cela me soulage, mais pas Margot qui a un pincement au coeur en constatant que personne ne l'attend, que personne ne s'est inquiété de son absence. Il y a quelques heures, quand sa mère s'est énervée du fait qu'elle n'ai pas mangé avec eux, elle pensait que cela avait changé, qu'enfin ses parents remplissaient leur rôle correctement, mais elle s'est trompée. Son père et sa mère sont aveugles, ils ignorent que leur fille n'est pas bien dans sa peau. La preuve en est le lendemain matin quand Margot se décide à grignoter quelque chose pour son petit déjeuner (je pense que sinon son corps aurait fini par lâcher). Alors qu'on s'assoit à table avec sa famille, le silence qui suit est pesant. Je vois bien que ses parents lancent de temps à autres des regards sur sa lèvre et ses cernes (impossible pour elle de fermer les yeux de la nuit), mais personne ne dit rien à se sujet. Finalement, c'est son petit frère qui ouvre une porte à la discussion:

-Marg', pourquoi tu as la bouche violette là ?

On ne s'y attendait pas, on avait perdu l'espoir d'en parler. Pour ne pas effrayer Dorian, on lui raconte simplement qu'on a oublié de se démaquiller, pourtant on regarde avec insistance sa mère, qui elle, feint l'indifférence, comme si elle ne voyait pas que sa fille souffre. Margot voudrait pouvoir parler de ses problèmes avec la femme qui l'a mis au monde, mais celle-ci fuit toute discussion avec son unique fille, elle n'assume pas son rôle, ne sait pas comment se comporter avec cette enfant qui a de mauvaises fréquentations et qui s'habille de manière beaucoup trop provocante à son goût. Ca me dégoute. Comment une mère peut-elle reniée de cette manière sa descendance ? Hors de question que je me plaigne encore une fois de mes propres parents parce qu'à côté d'eux, se sont des anges gardiens. Margot montre son désarroi en se levant brusquement et en sortant du mobile-home. L'atmosphère à l'intérieur était insoutenable. On ne sait pas trop où aller alors on erre sans but. A chaque personne que nous croisons, on baisse la tête pour ne pas qu'il voit sa lèvre. En effet, la jeune fille, par son départ précipité n'a pas eu le temps de maquiller cette coupure. Cependant, nous avons la curieuse impression que les gens nous fixent et baissent d'un ton à notre approche. C'est une sensation très désagréable de se savoir au centre de l'attention sans savoir pourquoi. Ce n'est pas comme quand tout le monde te regarde avec des yeux admiratifs mais plutôt comme si des gens que vous ne connaissiez pas vous jugaient ouvertement. De nouveau ce sentiment de panique refait surface. Quel n'est pas notre horreur quand nous tombons nez à nez avec Mathias et sa bande, Pablo au premier plan.

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