Voyage astral

Chapitre 1

Enlacés sur le canapé, Amélie et Matthieu discutent à voix basse. La nuit est tombée depuis plusieurs heures, et la salon est à présent plongé dans une douce pénombre. Leurs visages flottent dans l'obscurité tels de pâles copies de la pleine lune qui luit dans le ciel mauve.

Leur ressemblance est frappante : des cheveux courts, noirs, des yeux trop brillants et des corps trop maigres.

C'est la période qu'ils préfèrent, quand la nuit impose le silence au commun des mortels. L'accalmie sera de courte durée ; les moments d'intimité rétrécissent ces derniers temps, depuis que la voisine a perdu son emploi. Elle se couche de plus en plus tard et la télévision est allumée en permanence, se plaint Amélie.

Matthieu lui caresse la joue et lui promet que la situation s'améliorera bientôt. Mais son regard triste dévoile son impuissance, et Amélie lâche un soupir de désespoir. Tout à coup, un mouvement attire l'attention de la jeune femme. Son compagnon suit son regard et la surprise leur arrache un cri. Une femme se tient à l'embrasure de la porte du séjour.

Son visage est encore plus blanc que le leur, mangé par de grands yeux écarquillés. Ses longs cheveux sont gris clair mais certainement blonds à la lumière du jour. Amélie tourne la tête vers son ami, qui ouvre la bouche puis la referme, incapable de prononcer un mot. L'intruse se tient toujours immobile, comme paralysée. Ses yeux observent Amélie et Matthieu à tour de rôle.

- Mais que se passe-t-il ?

Matthieu et l'apparition ne trouvent visiblement pas de réponse à la question d'Amélie. Dans un sursaut de courage, l'homme se lève et avance d'un pas en direction de la femme. Puis il se défile et recule vers le sofa.

- Qui êtes-vous, et que faites-vous chez moi ??! s' écrie la jeune fille d'une voix chevrotante, avant de reculer de quelques centimètres, les bras en positions de défense.

Matthieu et Amélie, interloqués, se questionnent mutuellement du regard. Amélie apaise légèrement son compagnon en lui chuchotant quelque chose à l'oreille, que l'intruse, toujours plantée à l'entrée du salon, ne parvient pas à entendre.

- Je... C'est la première fois que nous assistons à pareille chose, mais il y a une première fois à tout... laisse échapper Matthieu avant de se lever pour se diriger prudemment vers la personne qui les a surpris.

La fille recule d'un pas, apeurée. Amélie s'approche également doucement, tendant sa main comme pour apprivoiser un animal.

- Viens t'asseoir, ce n'est pas ce que tu crois...

Le ton est doux et rassurant, malgré un tremblement nerveux dans la voix.

La jeune femme hésite. D'ordinaire elle serait déjà tombée dans les pommes, mais curieusement elle a l'impression d'être sous morphine. Ses émotions sont atténuées comme si elle regardait la scène de loin, en spectatrice. Elle finit donc par prendre place sur le canapé avec méfiance, rejointe par le couple qui s'assoit à l'autre bout du sofa.

- Tu t'appelles Leila n'est ce pas ? Moi c'est Amélie, et lui Matthieu.

- Comment connaissez-vous mon prénom ?! s'écrie la fille.

- C'est une longue histoire... Mais avant de te la raconter, nous allons t'apprendre une nouvelle qui va certainement être dure à encaisser...

Matthieu sert la main de sa copine pour lui donner du courage.

- Dites-moi ! Je ne comprends rien !

- Ma chère, je crois bien que tu es morte.