Pourquoi ?

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Pourquoi?

Telle fut la question qui nous hanta durant les jours qui suivirent.

Bien sûr, la réponse demeura hors de notre portée.

Les parents d'Elizabeth qui étaient très croyants essayèrent de nous consoler par des paroles inspirées des évangiles qui, à mes oreilles, étaient plus vides de sens les unes que les autres.

Si Dieu l'a permis, c'est pour une bonne raison...

Votre petit garçon est maintenant au paradis avec les anges...

Qu'est ce que ça pouvait bien me faire qu'il fut au paradis avec les anges? Ce que moi je voulais c'est qu'il soit là avec nous!

Je voulais l'entendre rire, pleurer, le prendre dans mes bras, être témoin de ses premiers mots, ses premiers pas; je voulais avoir le privilège d'assister à sa poussée dentaire, l'emmener au parc...

Je voulais qu'il soit toujours vivant!

Rien de ce qu'ils me dirent ne put me consoler. Au contraire, ça me mettait hors de moi. Hors de moi car je ne comprenais pas pourquoi mon petit garçon, qui n'avait même pas demander à naître, devait mourir quand il y avait tant de gens dans le monde qui commettaient des actes atroces, mais qui malgré tout continuaient de vivre...

Pour moi, c'était la plus grande des injustices.

Cependant, si moi j'arrivais à manifester mon mécontentement, Elizabeth, elle, n'affichait aucune émotion. C'était comme si la perte de Bryan l'avait rendue complètement amorphe.

En une semaine elle avait beaucoup maigri car elle ne mangeait presque plus. Elle passait ses journées soit allongée, soit à pleurer dans mes bras.

Toutefois, je ne pouvais pas vraiment le lui reprocher, car moi-même j'étais totalement dévasté...

*

Je me réveillai en sursaut. Je m'etais endormi sur le sofa devant la télé. Au début, je me demandai ce qui m'avait réveillé aussi brutalement.

Puis j'entendis à nouveau la sonnerie.

Je me levai péniblement et allai ouvrir.

— Bonjour mon chérie.

Ma mère me prit dans ses bras et m'embrassa tendrement sur les deux joues.

Depuis la mort de Bryan, elle passait nous voir une fois tous les deux jours. La plupart du temps elle ne disait rien. Mais sa présence était suffisante pour me réconforter.

— Tu es tout seul? me demanda-t-elle alors que nous nous installions sur le sofa.

— Non. Elisabeth est en haut dans notre chambre.

— Je vois... Comment tu te sens ?

«Bien» est ce que j'aurais aimé dire mais les mots s'évaporèrent dans ma gorge. Je me contentai d'hausser les épaules.

Nous restâmes silencieux pendant quelques temps, puis ma mère prit la parole:

— Il y a quelque chose que je ne t'ai jamais dit mais je pense que c'est le bon moment pour le faire. Elle fit une pause. J'ai, moi aussi, perdu un enfant.

Je tournai la tête brusquement vers elle.

— Quoi?

Elle émit un long soupir.

— Une fille. Quelques temps avant que je ne tombe enceinte de toi. Ton père et moi étions aux anges. Nous avions décidé de l'appeler Sophia...

Elle croisa les bras, comme si elle voulait se protéger.

— Les docteurs n'ont pas compris ce qu'il s'est passé. Lorsqu'elle est née, elle allait parfaitement bien et quelques minutes après c'était fini...

Tout comme avec Bryan, pensai-je avec tristesse.

— Mon chéri, je sais parfaitement ce que vous endurez, Elizabeth et toi. Je sais combien c'est difficile...

— Je n'arrive pas à croire qu'il ne soit plus là... Si Elizabeth n'avait pas été enceinte, je ne crois que nous aurions été ensemble aujourd'hui, encore moins que nous nous serions mariés... C'est grâce à lui que je l'ai épousée... Et maintenant il est parti...

— Peut être que c'était justement sa mission. Vous rassembler, Elizabeth et toi. Car, comme tu l'as si bien dit, sans lui, vous ne vous seriez probablement jamais retrouvés.

Ma mère s'approcha et me prit à nouveau dans ses bras.

Quand j'eus pleuré tout mon saoul, je relevais la tête et essuyai mes larmes.

Je me sentais beaucoup mieux.

— Tu veux boire quelque chose?

— Non, ça va, répondit ma mère. D'ailleurs, je dois y aller. J'ai réunion avec le conseil d'administration de l'école. 

— Je vois. Merci beaucoup d'être passé, m'man. Ça m'a fait plaisir.

— Je t'en prie, mon chéri, dit-elle en se levant du sofa. Ça m'a fait plaisir aussi. Tu embrasseras ta femme pour moi?

— D'accord... Non mais finalement attends, je vais la chercher. Ça fait déjà plusieurs heures qu'elle n'est pas descendue.

— Non chéri, ce n'est pas la peine...

Mais j'étais deja en train de monter les escaliers.

Quand j'ouvris la porte de notre chambre cependant, je découvris avec stupeur qu'Elizabeth n'y était pas.

A year without rainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant