Dispute

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Quelques secondes s'écoulèrent, pendant lesquelles je restai bouche bée. Un déluge d'émotions me submergea, la surprise étant la plus dominante. 

-    T'es...t'es sérieuse ? demandai-je enfin, complètement décontenancé.

-    D'après toi ? répondit-elle en ramenant ses cheveux en arrière d'un geste de la main. Pourquoi serais-je là sinon ?

En effet, sa simple présence chez moi, après toutes ces années, corroborait ses dires. Elle n'était sûrement pas venu pour le plaisir de me voir.

Je passai ma main dans mes cheveux, geste que j'effectuai lorsque j'étais particulièrement stressé ou gêné. 

Soudain, quelque chose fit tilt dans mon esprit. Avant tout, il y avait une chose dont je devais être sûr.

-    Comment sais-tu que je suis le père ?

Elizabeth me regarda comme si j'avais perdu la tête.

-    Parce que t'es la dernière personne avec qui j'ai couché, idiot ! dit-elle en élevant un peu la voix.

-    T'as pas besoin de crier ! dis-je en jetant un regard apeuré vers la porte de ma chambre. J'ai bien raison de demander, non ? On fait l'amour, puis tu agis comme s'il ne s'était rien passé, et maintenant tu débarques chez moi, un mois après, pour m'annoncer que tu es enceinte? Avoue que c'est assez difficile à avaler !

Elizabeth continuait de me fixer avec ses grands yeux couleur émeraude. Je sentais qu'elle voulait riposter, mais elle se retenait. Elle respira profondément avant de dire:

-    Écoute, je ne suis pas venu ici pour qu'on se chamaille. Je tenais simplement à ce que tu saches.

Apres ces mots, je me disais qu'elle devait s'en aller, mais au lieu de cela, elle s'assit sur mon lit d'un air décontracté.

-    Alors ? me dit-elle.

-    Alors quoi ?

-    Qu'est ce qu'on fait ?

Au fond de moi, j'avais déjà ma petite idée, même si je savais que ça allait être très difficile ; mais je voulais d'abord avoir son avis.

-    Qu'est ce que tu proposes ? lui demandai-je.

-    J'en sais rien, dit-elle d'une voix qui trahissait pour la première fois de la peur. Je n'aurais jamais cru me retrouver enceinte à cette âge-là. Je...Je...

-    Tu ne penses quand même pas à avorter ? dis-je en essayant de rester calme.

-    Ce serait pourtant la solution idé -

-    Il n'en est pas question ! l'interrompis-je en hurlant. Cette fois j'étais sûr que mes parents en bas m'avaient entendu, mais j'étais tellement en colère que je m'en fichais royalement.

Je baissai ma voix avant de poursuivre :

-    Il ne s'agit plus seulement de toi, mais de moi et de notre enfant également. Je refuse que tu t'en débarrasses juste pour continuer à mener ta petite existence superficielle et égoïste.

-    Superficielle et égoïste ? répéta -t-elle en se levant tout doucement de mon lit. Elle me dévisagea d'un air furieux. Pour qui tu te prends? Tu penses que le fait d'avoir couché avec moi te donne le droit de me juger ? Mais tu peux aller te faire voir Tony ! Je n'ai pas besoin de toi !

Sur ce, elle tourna les talons et sortit de ma chambre sans même me laisser le temps de réagir. Je l'entendis descendre les escaliers précipitamment, et quelques minutes plus tard la porte principale de notre maison s'ouvrit et se referma.

Je savais bien que j'étais allé trop loin, mais je n'avais pas pu m'en empêcher.

Un quart de secondes plus tard, ma mère revint dans ma chambre. Elle semblait inquiète.

-    Qu'est-ce qui est arrivé ?

-    Comment ça ? fis-je, feignant l'étonnement.

-    Pas de ça avec moi Antony ! Elizabeth avait l'air contrarié lorsqu'elle a quitté la maison. Qu'est ce que tu lui as fait ?

-    Pourquoi penses-tu que je lui ai fait quelque chose ? rétorquai-je avec colère. Tu prends son parti sans même savoir ce qui s'est passé !

-    Tu as raison mon chéri, dit-elle en affichant un air désolé. Je te présente mes excuses. Maintenant, explique moi.

-    Il n'y a rien à expliquer maman, dis- je en m'asseyant sur la chaise de mon bureau. C'était juste une petite dispute.

-    Et tu l'as laissé partir dans cet état ?

J'haussai les épaules.

-    Qu'est-ce que je devais faire ? La retenir ?

-    Exactement ! dit ma mère d'une voix forte.

Je soupirai.

-    De toute façon, c'est trop tard. Elle doit être presque arrivé chez elle maintenant.

-    Chez elle ? dit ma mère en levant les sourcils. Jette un coup d'œil à l'extérieur.

-    Pourquoi ? demandai-je, interloqué.

-    Fais-le !

Je m'exécutai.

Fairlane, notre quartier, abritait des maisons qui étaient toutes similaires : deux étages, équipées d'une cheminée à l'ancienne, et ayant toute la forme d'un « h » minuscule. C'était en tout cas comme cela que je les voyais.

 De la fenêtre de ma chambre, j'avais une belle vue sur le voisinage. Tout en face, il y avait la maison de Madame McKerby, une vieille femme veuve qui vivait avec son berger allemand. C'était la seule personne parmi mes voisins que je côtoyais. J'allais lui rendre visite de temps en temps.  

Lorsque mes yeux balayèrent notre devanture, je me rendis compte qu'en plus des Mazdas noires et grises de mes parents, il y avait une Mercedes bleu foncé garée juste à côté. Elizabeth était à l'intérieur, les mains sur le volant, mais elle n'avait pas démarré. Je reportai mon attention sur ma mère. Elle souriait.

-    Qu'est ce que tu attends ? dit-elle. Va la rejoindre !

-    Je ne sais pas trop m'man, dis-je hésitant. Peut-être qu'elle attend quelqu'un d'autre...

-    Bien sûr que non ! Vas-y !

J'acceptai. De toute façon, il n'y avait pas de mal à essayer.

A year without rainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant