6 - Clandestin

25 5 13
                                    

Une nouvelle fois, Cassien décida de ne pas repenser à son rêve de la nuit, même s'il avait été moins désagréable que le précédent.

    Prêt à attaquer la journée avec entrain, il ouvrit grand les volets. Il découvrit qu'une nappe de brouillard recouvrait l'ancien champ juxtaposé à leur maison, et sûrement la campagne berrichonne. Malgré ce phénomène météorologique, la journée s'annonçait des plus belles et Cassien en fut d'autant plus heureux qu'il n'avait que deux heures de sport ce matin avant d'avoir son après-midi de libre.

    Ce fut donc avec le sourire aux lèvres qu'il se prépara et se rendit en cours, chargé de son sac de sport. Le professeur proposait ce trimestre la pratique du basket-ball, sport dans lequel Cassien n'excellait pas – à dire vrai, plus généralement dans aucune activité sportive. Les élèves se changèrent et commencèrent à s'échauffer, en faisant notamment quelques tours du gymnase. Les matchs débutèrent ensuite. Au quatrième tour, l'équipe de Cassien ne jouait que son deuxième match.

    L'entre-deux se fit, les équipes commencèrent leurs allers retours entre les deux paniers, marquant par moment. Quelques minutes avant la fin, Cassien se plaça près du panier de son équipe ; son camarade le vit, et lui lança le ballon. Le jeune homme observa la balle qui volait vers lui. Cet instant lui parut bref, mais s'écoulait péniblement. Puis il fut aveuglé par un éclair noir, qui l'engloutit.

    Quand il rouvrit les yeux, il fut ébloui, non pas par des ténèbres, mais par la lumière éclatante du soleil qui se déversait sur la place devant lui. Et par sa beauté – sa joie, sa danse, son sourire.

    Adossé à un arbre, il balaya du regard la scène. La place, au milieu des bâtiments de pierre sèche, possédait quelques bancs. Les chênes disposés ici et là, sans réelle régularité, fournissaient de l'ombre, rafraîchissant un peu l'air chaud. Plus loin, il voyait le fleuve, qui scintillait de mille feux sous le soleil. La brise emportait avec elle des parfums de lavande, de romarin ou encore d'abricot.

    Et elle. Elle qui dansait, insouciante et innocente, au milieu de la foule ravie, au rythme du musicien itinérant.

    Elle se tourna vers lui, l'invitant à la rejoindre. Il tendit la main, elle l'attrapa et l'entraîna au milieu du cercle. D'abord peu à l'aise – il préférait éviter de se faire reconnaître, d'autant plus qu'elle l'avait déjà appelé par son prénom – il finit par s'abandonner. Les nombreux cours de danse que son rang social avait exigés lui permirent de mener sa partenaire avec excellence. Leur couple et leur danse semblaient séduire les passants qui souriaient, battaient la mesure de la musique, riaient, se mirent à danser à leur tour.

    Tout était net. Le paysage aux milles couleurs éclatantes, les odeurs qui chatouillaient son nez, les sentiments enivrants, les bruits. Tout. Sauf son visage, s'effaçant, lui échappant, le fuyant.

    Cassien tenta de s'en souvenir, de se raccrocher à cette réminiscence si douce. Il fut violement repoussé.


    Tomba sur le parquet du gymnase. Reçut un lourd ballon sur la tête.

    « Hé, ça va ? »

    Le jeune homme releva la tête.

    « Euh... oui.

    — Alors pourquoi tu n'as pas rattrapé la balle ? C'était un lancer parfait, et un panier ultra facile !

    — J'ai pas mes lunettes, j'ai mal jugé la distance. Désolé. »

    Son camarade lui lança un regard noir mais se contenta de cette explication. Le match reprit, toutefois le lycéen resta fort distrait durant les autres parties. Soulagé que la séance de sport prenne fin, il se changea et rentra promptement chez lui.

(CC2017) De regrets et d'espoirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant