Voici le journal d'un jeune homme, Clive, porté disparu. D'après l'un de ses anciens compagnons de classe, chaque jour d'école, il emprunte un passage piéton qui est juste en face de chez lui. Pas beaucoup de gens passaient par ce chemin, même les véhicules. Il se permettait donc de passer lorsque le bonhomme rouge était encore allumé. « A quoi bon attendre si aucune voiture ne passe ? »
Clive n'a pas l'habitude de rédiger ce qu'il a fait de ses journées, il est du genre à ne pas faire trop d'efforts. Mais depuis ce jour de Septembre, la peur l'a comme qui dirait forcé à s'exprimer à l'écrit pour se soulager, voici toutes les traces de ces écrits, retrouvées abandonnés en pleine rue le décembre de ce même mois :
– Lundi 15 Septembre
« Les feux de ce passage piéton sont en face de moi à chaque fois que je traverse, mais depuis déjà une semaine, quelque chose a changé, on dirait. Cette sorte de poteau, bleu foncé... J'ai l'impression qu'il devient de plus en plus clair chaque jour que je le croise....non ce n'est pas ça, c'est comme s'il était plus flou, plus flou, encore plus flou, ainsi que tout ce qui l'entoure, les voitures, le passage piéton, les autres lycéens, à chaque fois que je traverse... »
Jeudi 18 Septembre
« Je commençais à me questionner, je ne trouvais pas de réponse. Alors timidement je questionnais quelques camarades que je connaissais bien... il me traitèrent alors d'obsédé ou d'attardé... »
Vendredi 19 Septembre
« Le malaise s'empare de moi petit à petit... mais ma curiosité résistait et même si à chaque fois maintenant que je passe ce passage piéton mes pensées divaguaient et des frissons s'emparaient de moi, j'essayais d'examiner la situation... seul le petit piéton rouge restait distinct..c'était ce qui me faisait le plus peur....je traversais maintenant toujours lorsque le piéton vert était allumé...mais maintenant sans plus aucune logique à peine avais-je fait deux mètres sur la route qu'il passait au rouge et que le cauchemar recommençait.... »
Mardi 23 Septembre
« J'avais pourtant décidé deprendre un autre chemin mais peu importe le passage piéton que je prenais, ils avaient l'air...de m'en vouloir. »
Mercredi 24 Septembre
« Aujourd'hui encore, en rentrant chez moi...vu que je savais ce qui m'attendait j'arrêtais d'attendre que le piéton soit vert pour passer puisqu'il allait encore passer au rouge à peine aurais-je franchi le premier rectangle... J'ai donc fermé les yeux pendant le court trajet..je ne voyais que du noir, toujours plein de frissons... Jusqu'à ce qu'une lumière rougeâtre se propagea dans ma vision. Comment est-ce possible?! Mes yeux étaient pourtant fermés... La lumière devient de plus en plus vive et plus j'avançais plus ma tête semblait lourde...le chemin paraissait de plus en plus long... Je commençais à ne plus du tout entendre ce qui m'entourait..la circulation si vivante de ma ville juste à côté...rien...je n'osais plus m'arrêter de marcher ni rouvrir mes yeux, je continuais de marcher dans un vide rouge....jusqu'à ce que tout se figea, ainsi que moi-même,j'en pouvais plus... »
Jeudi 25 Septembre
« Je me réveillais alors dans une chambre d'hôpital...les infirmiers me réanimant me dirent que je m'étais évanoui en pleine rue... les souvenirs du précédent incident me hantaient la tête ce qui m'empêchait de me concentrer sur ce qui se passait autour de moi. Inconscient, un « Je vais bien » avait pu sortir de ma bouche. Mais quelques paroles choquantes que j'avais pu entendre de l'extérieur ont réussi à me libérer de cette prison mentale. Non....Ils parlaient de mon père...de ma seule famille...ils serait décédé...mais depuis quand suis-je ici ? Pris de panique, je leur posais spontanément cette question. Je n'étais ici que depuis une nuit...comment a-t-il pu mourir si rapidement ?? Je quittais en courant de ce lieu et rentrais chez moi...heureusement que c'était juste à côté... car sinon j'aurais du passer à nouveau sur un passage piéton... Plus jamais je ne sortirais de chez moi, c'est décidé.
Je m'enfermais dans ma chambre, la tête sous les cotonneux oreillers et m'endormis. Durant mon sommeil, je vis mon père, sortant de la boulangerie d'à côté avec deux baguettes de pain... à peine avait-il traversé le passage piéton pour atteindre la maison qu'une camionnette surgit et le charcuta en moins de deux...le cauchemar continuait même en dormant. »
Vendredi 26 Septembre
« Aujourd'hui, malgré moi je repars en cours, comme si l'on m'y poussait. Sur le chemin, c'était comme si je ne contrôlais plus assez mes mouvements... Je suis rentré, il est 17:00. Attends...que s'est-il passé de ma journée ?? Je ne me souviens de rien... Je devais encore passer ces cours de physique à chier du vendredi. Je ne me posais pas plus de questionset continuais ma journée en glandant, comme d'habitude... »
Samedi 27 Septembre
« Aujourd'hui, contrairement à ce que je fais habituellement, j'avais envie de sortir de chez moi... c'est d'ailleurs la première fois que je me lève si tôt un samedi...toujours sans contrôler mes faits et gestes je sortis... »
Vendredi 3 Octobre
« Cela se répéta tous les jours sans exception, et je ne me souvenais jamais de ce que j'avais faitde ma journée le soir-même. Mais ça ne me dérange plus, ne plus pouvoir avoir de regrets est vraiment agréable. »
Mardi 14 Octobre
« J'ai toujours vécu ainsi. J'ai toujours été un orphelin qui vit sans avoir aucuns besoins. Tous les jours depuis mon enfance je pars chaque matin pour revenir la nuit à faire des choses dont je ne suis pas maître. Rien de marquant ne s'est passé de ma vie et sans raison apparente je me sens heureux et satisfait chaque soir. » --
Plus rien n'a été rédigé dans ce journal depuis ce jour.
La télévision allumée, un jour :« Tous les jours, nous retrouvons des feux , détruits, sûrement par une personne inconnue qui semblait leur en vouloir à mort...on les retrouvait tous sciés d'une manière très désordonnée et mis en morceaux au sol juste en dessous. Il leur arrivait mêmed'être mélangés avec des morceaux de cadavre... également trouvait-on toujours gravé sur l'un de leurs câbles l'inscription « red ». L'enquête sur le responsable qui trouble ces Biens publiques est toujours en cours, mais aucune preuve humaine n'a encore été détectée... »
