Piano | y.kook

I

Jungkook avait mis de côté cet étrange personnage durant sa journée. Il n'avait pas repensé ni à sa peau claire, ni à ses mains délicates et agiles, ni à ses prunelles qui s'étaient puissamment ancrées dans les siennes.

Néanmoins, il avait siffloté sa mélodie jusqu'au coucher du soleil.

Avec ses quelques notes gravées sur les lèvres, il avait rendu heureux les vieux aigris et les adolescents dépressifs qui l'entouraient.

Ou alors était-ce sa bonne humeur et son sourire ravageur qui leur avaient rendu quelques miettes de bonheur ?

Il avait prit son temps pour rentrer, passant par le parc, souriant à qui le voulait bien. Il se sentait bien, il avait l'impression d'être là, sans trop l'être, perdu à la frontière séparant le rêve et la réalité. Son esprit flottait au dessus de son corps, corps qui avançait inconsciemment, corps qui était son seul maître, l'esprit l'ayant quitté.

Aujourd'hui, il vivait juste, la chansonnette dans la tête.

×××

Jungkook se rendit à la gare, les écouteurs dans les oreilles, comme à son habitude après une longue journée de cours.

Toujours sifflotant, il rentra dans la gare.

Il alla s'asseoir près du quai, attendant son train pour rentrer chez lui.
Il repensa vraiment à l'homme de ce matin. Allait-il le revoir ? Pourrait-il l'écouter à nouveau ?

Il en avait tellement envie ! Il voulait encore se laisser bercer par ses notes exécutées à la perfection. Il voulait regarder ses mains et son visage qu'il imaginait concentré. Peut-être avait-il une ride entre ses sourcils lorsqu'il jouait ? Ou alors fermait-il les yeux ? Se laissait-il bercer par sa propre musique ?

Jouait-il ailleurs que dans la gare près de chez lui ?

Jungkook secoua la tête, c'était impossible après tout ! Ce matin n'avait été qu'une coïncidence, un hasard ! Jamais il ne le reverrai !

Mais Jungkook espérait tout de même.
Il ne pouvait pas s'en empêcher.

Ainsi, il grimpa dans son train, s'asseyant sur l'une des nombreuses places assises disponibles. Ce n'était pas encore l'heure de pointe.

Et cela était bien dommage pour Jungkook qui n'avait pas grand chose à observer. Il avait seulement repéré des filles portant l'uniforme bordeau de son lycée et quelques travailleurs qui finissaient plus tôt. En plus, il rebondissait sur son siège à cause des secousses du train, lui faisant mal au dos.

Heureusement, le vibrement de son téléphone le sortit de son ennui.

Maman
Coucou mon chéri !
N'oublie pas de te dépêcher, on est invités ce soir !
Et fait toi tout beau ^^
Bisous

Jungkook soupira. Pas parce que sa mère l'appelait "mon chéri" mais parce qu'il savait que, même si son pianiste était là, il n'aurait pas le temps de l'admirer.

Il n'avait pensé à rien d'autre que lui, qu'à l'absence qu'il aurait. Il se sentait déjà attaché à cet homme.

Un peu refroidi par le message, il descendit quand même rapidement du train, arrivé à son arrêt.

Il pressait le pas, se rendant au même endroit que la dernière fois, près du piano.

Aucune musique n'embaumait l'air et le coeur de Jungkook se mit à battre de plus en plus rapidement.

Il n'était pas là. Personne n'était assis sur le tabouret.

Le lycéen se sentait triste, il ne pensait pas que l'absence du pianiste affecterait autant son moral.

Le coeur lourd, il tourna les talons, se dirigeant vers la sortie.

Il n'entendait rien, il ne voulait pas entendre, il regardait le sol dallé, il ne voulait pas relever la tête. Il avait honte d'avoir espéré autant alors qu'il savait que ses espoirs allaient être déçus.

Comment avait-il pu être aussi bête ? Aussi naïf ?

Jungkook avait aussi l'impression que tout le monde le fixait, se moquait, savait. Il avait l'impression de sentir les yeux moqueurs des gens sur son dos, qu'ils faisaient des messes basses avec leur voisin tout en le fixant, se moquant ouvertement de lui.

Pourtant, il savait que ce n'était pas vrai.

Il était tellement timide et renfermé sur lui même que se sentir observé le rendait malade. Il ressentait ce que les gens devaient ressentir quand c'était lui qui les regardait. Et il se sentait mal. Il regrettait, mais c'était olus fort que lui.

Ainsi, il quitta la gare au pas de course, manquant du regard l'homme à la chevelure mentholée qui s'assit devant le piano.