C'est plus simple de choisir son camp dès le début. Du plus petit composant de l'être vivant, j'ai décidé d'être dénué de fonction pour le moment. Sans attache, le corps humain est donc mon terrain de jeu. Je tourne au gré de la circulation sanguine et le cycle du renouvellement des cellules ne peut rien à ma présence. Cet environnement a sa propre horlogerie qui est d'un ennui létal.
Si je suis là, vous avez 75% de chance de m'avoir généré à cause de votre mode de vie. Les 25% restants sont la probabilité d'avoir été poignardé par votre génétique. Certains affirment que l'acidité favorise mon entrée en piste. Cependant, les plaisirs de la vie, comme la bonne bouffe s'avèrent rarement alcalins, donc je vous comprends.
Dès mon introduction, je me fonds dans la masse. Ma reproduction s'opère dans le silence le plus total. Quelques casques blancs remarquent cependant notre présence et leur nombre croît en parallèle du nôtre. Le corps humain, par sa composition d'une créativité sans égal, nous laisse l'embarras du choix. Les organes sont des belles entités., ma préférence change à chaque nouvelle journée passée ici.
Si vous aviez été une société où le rationnel prévaut dans un absolu irréfragable, la chercheuse italienne Patrizia Paterlini-Bréchot aurait développé plus rapidement son filtre sanguin détectant ma présence dès les premiers temps, grâce à un apport massif de l'argent public pour la recherche. Cette femme est brillante, elle gagne des prix. Elle a fait forte impression à mon hôte, lors d'une conférence TEDx. Néanmoins aucune prise de sang ne dispose de ce filtre à l'heure actuelle. Des personnes, peu importe la teneur de leurs liens dans le tissu social, vont continuer à mourir parce que j'existe, mais surtout parce que j'excelle à cache-cache.
André Bertiche est à trois ans de la retraite, mais les décomptes n'ont plus de sens pour lui, il a perdu sa femme il y a cinq ans. Enseignant dans un collège de campagne, il est un homme utile à la société, en témoignent ses quinze années dans le tissu associatif carcéral. Je ne me permettrais pas de me réjouir sur le profil de ma proie, il est condamné depuis le décès de son âme sœur. C'est elle qui l'obligeait à être rigoureux avec les rendez-vous médicaux.
Il ne me reste plus qu'à rester concentré sur ce pourquoi je suis programmé. L'idée d'un journal de bord me plaît bien. Après tout, je suis ici et là pour encore quelques années..
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