Allongée à même le sol sur le plancher froid et incommodant, j'écoute attentivement le tic-tac régulier et assourdissant d'une grande horloge. J'essaye tant bien que mal de me concentrer sur autre chose que cet homme. Cet inconnu qui me touche, me caresse et me parle comme si je n'étais qu'un jouet. Sauf que j'en suis un.
« Tu n'es pas très joueuse ce soir. »
Je relève la tête, surprise que l'on me fasse une reproche.
«- Désolée.
- Détends-toi la miss. Par contre, va falloir que tu sois plus enjôleuse que çà. Je te rappelle que je te paye pour tes services. Me déçoit pas. »
Et il reprit de plus belle, les chuchotements, les murmures suaves, laissant son souffle chaud parcourir le long de mon cou, puis mon oreille. Ce n'était pas la première fois que je faisais face à de tels discours. En réalité, cela m'arrive souvent, et d'habitude, je ne dis absolument rien. Mais pas ce soir.
« Arrête. »
Le dégarni se mit sur les coudes pour se retrouver nez à nez avec moi.
« - Comment çà arrête ?
- Je déconne pas. Arrête. J'aurais pas du bosser aujourd'hui. »
Il me fixe avec un regard interrogateur qui en dit long sur ce qu'il pense de moi.
« Pas question. T'as commencé, tu finis la travail maintenant. »
Je me suis levée brusquement et j'ai manqué de faire tomber ce vieux pervers sur le dos.
« Non mais t'es complètement tarée ! hurla-t-il de son visage rouge de colère.
- Ferme là un peu, tu me donnes la migraine.
- Je demande à être remboursé ! Putain 140 boules pour seulement voir quelqu'un nue que j'aurai facilement pu trouver sur Internet et peloter une planche à pain, je pense que tu te fou un peu de ma gueule ! »
Silence.
«Laisse moi te donner un petit conseil d'amis-amis. »
Je m'approche de lui, nue, m'abaisse à la hauteur de son oreille et chuchote de la manière des plus malicieuse qui soit ces paroles :
« Si tu n'es pas encore trop con, tu devrais savoir que les attouchements sur mineurs sont interdits par la loi. Enfin, si ce n'était que cela. Tu voulais me baiser brutalement sur le sol, je me trompe ? Encore pire pour un futur incarcéré. Ne te méprends pas, je suis assez douée pour mentir à la police. Je n'aurais qu'à dire que tu m'as attirée vers toi en me promettant un monde merveilleux, que j'ai été naïve et que j'ai réussi à m'enfuir avant que le mal soit fait. Mon père étant inspecteur de la ville, il me croira sur parole cela ne fait aucun doute, et tu seras pour une période à long terme enfermé dans un espace clos avec un autre violeur d'enfants dans ton genre qui attendra que la nuit tombe pour venir abuser de toi dans ton sommeil. Je témoignerais devant le juge des atrocités que tu m'auras obligée à faire. Tu seras alors arrêté et jugé coupable pour un crime que tu n'auras pas commis. Sauf que çà, il n'y a que moi qui le sait. Alors dans ton cas, je pense que tu devrais me laisser l'argent que tu m'as offert auparavant. Est-ce que j'ai été claire ? »
Pas de réponse. Je me contente de relever la tête et analyser l'effet que ce speech a eu sur lui. Joli coup pour moi. Son visage blêmi au fil du temps qui passe. Au fil du tic-tac de l'horloge.
Je me contente de me rhabiller à la va vite et fais bien attention à prendre les 140 euros déposés sans garde sur la table de chevet située à côté du lit. Mauvaise idée quand il s'agit de moi. Je me dirige vers le hall et attrape d'un geste vif mon manteau. Et j'ai comme l'impression que le claquement de mes talons sur le sol couvre gentiment les pleurs étouffés de celui qui me donnait des ordres il y a quelques minutes auparavant. Je ferme la porte.
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Miroir Diforme
Teen FictionEmilia a deux faces. La face du jour, brillante, charmante et joyeuse, puis la face de la nuit, où tout est complètement différent de ce qu'elle vit quand le soleil brille et que les oisillons chantent, essayant de rassembler de l'argent en assistan...