Vous êtes reconnue coupable
Des crimes qui vous sont reprochés.
Et voilà comment un simple vocable
Alimente désormais mon bûcher.
Les fautes que j'ai commises
Ont ainsi été rigoureusement jugées.
Désormais, la foule me méprise,
Mais je ne dois aucunement m'en étonner.
Je pourrais me défendre en m'en remettant au sort,
Mais ce serait là pure folie.
Ils en profiteraient pour voir en ce mot qu'ils abhorrent
Un aveu qui alimenterait leur mépris.
Si visiblement je ne mérite aucune pitié,
Certains ont néanmoins détourné le regard,
Et je veux croire qu'une pointe de regret
Est parvenue à transpercer leur âme noire.
Pourtant, je voudrais leur crier « Regarde-moi !
Vois mes chairs se consumer ! »
Mais je ne peux maîtriser la fureur de ma voix,
Dont l'écho est exempt d'humanité.
Je me sais désormais condamnée,
Au refrain d'une litanie entamée.
Ces sauvages veulent me voir brûler,
Sans se douter de la force qui vient me tenter.
Me venger serait pourtant trop facile,
D'autant que j'ai du mal à imaginer,
Comment les flammes qui m'annihilent
Me permettraient de m'en tirer.
Je préfère observer cette lueur dans leurs yeux,
Qui grandit à mesure que je décline,
Car j'y vois la réelle nature du feu
Qui, jusque dans leurs jugements, les contamine.
Me voici désormais laide et repoussante,
Ma chevelure blonde réduite en cendres,
Le visage déformé et la gueule béante,
Jumelle spirituelle de l'illustre Cassandre.
Mais qu'ont-ils gagné, ces ignorants ?
Pourquoi n'avoir pas voulu entendre mon don ?
Mon cœur, voyez-vous, est innocent,
Bien que vous y perceviez là celui d'un démon.
Sacrifiée sur l'autel de la peur,
Je suis destinée au monde des Enfers,
Trop honteuse pour imposer cette horreur
À tout autre que Lucifer.
Vous oubliez cependant quelque chose...
Les erreurs que vous me prêtez injustement
Sont des fruits dont j'ignore la cause,
Et que vous aimez appeler boniments.
Je n'ai pas choisi ma condition,
Mais ai été touchée par une force qui vous dépasse,
Et qui vous fit perdre la raison,
Refusant alors de m'accorder toute grâce.
Dites-moi donc, à présent,
Comment se porte votre esprit ?
Lui qui refusait tout avertissement,
Au prétexte d'un augure de folie.
Vous sentez-vous soudain plus sereins,
L'image de mon calvaire flottant dans votre regard ?
Vous imaginez-vous que votre monde est plus sain,
Parce que vous avez éliminé ce qui vous effare ?
Laissez-moi vous dire que la route est semée d'obstacles
Que vous ne pourrez jamais franchir.
Non, je ne me fais pas ici Oracle,
Même si je vous annonce le pire.
Ma mort ne vous apportera que confusion,
Et je prie chaque seconde pour que cette couleur si obscure
Qui semble influencer vos décisions
Vous voile l'avenir et vous voit heurter un mur.
Un pied après l'autre, vous avancerez,
Votre crime traîné derrière vous, tel un boulet.
Et j'attends avec impatience le moment où vous trébucherez,
Votre conscience évaporée revenant à la réalité.
Oui, mes amis, je serai là pour vous accueillir à bras ouverts !
Car je prévois pour vous autre chose qu'une simple combustion.
Mais ne comptez pas sur moi cette fois, pour vous livrer ma prédiction...
À présent, je vous le concède, vous pouvez dire « Sorcière ! »
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UN JUSTE SORT
Poetry"Il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent." - Voltaire