Prologue

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Le temps est couvert, le doux soleil qui baignait le parc ce matin a disparu sous un épais nuage noir. La pluie ne tardera pas à tomber, et qui sait, la foudre déchirera peut-être le ciel et le lourd silence qui règne au-dehors.

Les rares personnes qui profitaient de l'air extérieur se hâtent de se réfugier dans le bâtiment. Trois enfants, deux garçons et une fille couraient à travers le parc, suivis de leur mère qui avançait à une allure plus lente à cause de ses talons.

Ils disparurent du champ de vision de celui qui les observait par la fenêtre; ils étaient probablement rentrés dans le hall.

On entendit des voix d'enfants résonner dans les couloirs, ce qui était inhabituel dans un lieu comme celui-ci. Le tintement d'une paire de talons se rapprochait, accompagné des voix des jeunes êtres.

Une aide-soignante vînt à leur rencontre, leur demandant à qui ils venaient rendre visite. La mère donna un nom, qui sembla surprendre l'employée de la maison de retraite. Celle-ci guida néanmoins la petite famille vers la personne qu'ils recherchaient.

Un petit vieux sur un fauteuil à bascule se tenait devant la grande baie vitrée de la salle principale. Il observait les premières gouttes de pluie qui commençaient à tomber, d'un air absent.

La dame et ses enfants s'approchèrent doucement, et prirent place sur des chaises à côté de lui.

-Bonjour Papi, je suis Marielle, ta petite fille. Voici mes enfants, Iona, Anthony et Adrien. Tu te souviens de nous ? présenta la mère.

Le vieil homme cessa de se balancer sur son fauteuil et tourna enfin la tête vers les membres de sa famille. Il ferma les yeux quelques secondes avant de les rouvrir avec un petit sourire.

-Cela fait si longtemps que personne n'est venue me voir, je ne m'attendais plus à recevoir la visite de qui que ce soit, dit-il la voix enraillée.

Marielle baissa les yeux avec un sourire triste.

-Je suis désolée, j'ai beaucoup de travail, je n'ai pas trouvé le temps de venir. Et j'avais également un peu peur, je ne savais pas dans quel état j'allais te retrouver, avoua-t-elle.

Le vieillard balaya ses paroles du revers de la main, l'air désapprobateur.

-Sottises ! Je vais parfaitement bien, j'ai l'impression d'avoir toujours trente ans ! s'exclama-t-il.

-Fais quand même attention ! Tu en as quatre-vingt-dix-huit ... rappela Marielle.

-Une grande vieillesse est une seconde enfance, cita le vieil homme.

-Si tu le dis ... Comment te sens-tu ? Tu te plais ici ?

-Si je m'y plais ... Cet endroit n'est qu'une maison où les gens attendent patiemment la fin de leurs jours. Je regarde simplement les visages disparaître de mon quotidien, en attendant mon tour.

La mère toussota et fit les gros yeux au vieillard. Celui-ci fronça les sourcils, incertain de la raison du geste de sa petite-fille. Cette dernière inclina la tête vers ses enfants avant de s'approcher de son grand-père.

-Évite de parler de ces choses-là devant les enfants, ils sont trop petits ! sermonna-t-elle à voix basse.

Le vieil homme se pinça les lèvres en hochant doucement la tête. Il fit glisser son regard vers les visages innocents de ses arrières petits-enfants, dont les grands yeux témoignaient de leur incompréhension.

Soudain, une sonnerie de téléphone retentit dans la salle. Le grand-père s'affaissa dans son fauteuil tandis que Marielle décrochait son portable.

Poudre au CoeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant