Chapitre 2

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Je me rappelle du commandant en chef Gamelin. C'était un homme assez vieux, décoré de la Grand-croix de la légion d'honneur. Il avait participé à la Première Guerre Mondiale, de 1914 à 1918. Pendant l'entre-deux guerre, il avait également mené plusieurs opérations, et avait même succédé au général Weygan au poste de chef d'Etat-Major général. Il avait également récemment été nommé inspecteur général de l'Armée, cumulant cette fonction avec celle d'Etat-Major. C'était un homme militaire puissant, avec lui, nous étions sûrs de gagner. Il avait réussit à motiver toute la troupe, et il était parvenu à nous persuader qu'on allait remporter cette bataille.

Et c'est ainsi que le 9 septembre, nous pénétrâmes dans la Sarre, en Allemagne. Nous étions sur le territoire ennemi, la bataille commençait maintenant.

Mon coeur battait fort, et en vous racontant ça, j'ai l'impression de revivre ce moment. Ce moment où nous avons traversé ce village Allemand, dont les habitants ne semblaient montrer aucune résistance.

Chaque soldats avançaient d'un même pied, et je me souviens de cette étrange ambiance, ou seul le bruit des chars et de nos pas bien rythmés faisaient échos entre les murs des bâtisses boches.

Je marchais aux côtés d'Émil, et malgré sa présence rassurante, j'avais la boule au ventre. Je me posais milles questions, je ne comprenais pas pourquoi tout était si calme. Et au vu des têtes de mes autres camarades, je n'étais pas le seul à penser ça.

Après avoir traversé deux villages, le commandant en chef nous dirigea vers un champ, où nous fîmes une pause. Cette première pause en territoire ennemi, je m'en souviendrais tout le reste de ma vie. J'étais assis avec Émil, et trois autres soldats. Nous nous connaissions pas, et c'est à ce moment que nous avions décidé d'apprendre à nous connaître.

Nous étions assis en cercle, sur le sol terreux du champ, silencieux. J'ai le souvenir de cet homme au visage carré et à la barbe fournie. C'est lui qui a pris la parole en premier. Il s'appelait ...

-George, et vous ?

-Moi c'est Philipe.

-Victor.

-Émil.

-Marcellin, avais-je répondu.

Nous étions quatre hommes, quatre inconnus, quatre camarades. Et même quatre-vingt ans plus tard, je me souviens encore de ces quatre soldats et de notre conversation.

-Putain de guerre, et dire que je pourrais être avec ma femme et mes gosses, avait-dit-George.

-Tu as des enfants ? Tu es chanceux, ma femme m'a quitté il y a une semaine, parce que je venais de perdre mon emploi, avait-répondu-Philippe.

-Tu exerçais quel métier ?

-J'étais ouvrier dans une usine. Je n'offrais pas un rendement suffisant, alors on m'a licencié.

-Humpf, les patrons sont tous des cons, avait-ronchonné Victor. Ça fait vingt-ans que je bosse en tant que restaurateur, et jamais je n'ai eu droit à une augmentation !

-Et vous les jeunes, c'est quoi votre métier ?

-Je suis barman, avait-déclaré Émil.

-Je suis fermier, avais-je renseigné.

Nous étions quatre pauvres hommes, d'âges différents, de passés divers. Le destin aurait sûrement voulu que jamais aucun de nous ne se rencontre, mais la guerre en a décidé autrement.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 22, 2017 ⏰

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