Il était bientôt dix-huit heures, et Anael ne tenait pas en place : il sautillait un peu partout dans son petit appartement, ses cheveux d'or encore mouillés et sa chemise blanche à moitié boutonnée seulement. Il tentait tant bien que mal de s'habiller, mais la tâche était loin d'être aisée : il se trouvait toujours trop laid, ou trop négligé, ou alors trop strict. Il ne savait pas quoi mettre, dans la peur indicible et irrationnelle de ne pas plaire à la belle serveuse - car c'était elle qu'il espérait séduire ainsi.
Enfin, il se décida pour une chemise bleu ciel - la blanche lui avait paru un peu trop formelle - et un pantalon chino anthracite. Il passa son caban bleu marine, puis inspecta son reflet dans le miroir dans l'entrée : il ne savait pas quoi déduire de cette mine livide. Pouvait-elle plaire à une serveuse absolument magnifique ? Ou pas... ?
Il ne savait pas. Il était indécis, et se sentait terriblement anxieux à l'idée de la voir.
Il ne savait pas si ces yeux gris qui lui lançaient un regard interrogateur pourraient retenir l'attention de la jolie «Maylea».
Il ne savait pas s'il avait envie d'y aller. Parce qu'il allait sûrement tomber amoureux d'elle, il le sentait.
Et il ne savait pas s'il voulait tomber amoureux.Il se regarda une dernière fois dans le miroir, et se remémora un conseil que lui avait donné son père, dix ans en arrière : « Regarde-toi dans le miroir, et dis-toi que tu es beau. Si tu arrives à en être convaincu, alors tu pourras en faire autant avec tout le monde, et le monde t'appartiendra. »
Anael inspira un bon coup, bomba le torse, et ses lèvres s'étirèrent, dévoilant ses dents du bonheur, encore blanches malgré tout le café qu'il ingurgitait chaque jour.
- Je suis beau, dit-il avec conviction. Je suis beau, je suis beau, je suis beau, répéta-t-il encore.
Et c'est ainsi qu'il claqua la porte de son appartement derrière lui, ses cheveux couleur de soleil voletant autour de son minois d'ange, avec plus de confiance en lui que jamais, cette phrase magique toujours accrochée à ses lèvres :
« Je suis beau. »
*
À dix-huit heures et des poussières, Anael arriva enfin à la brasserie, l'astuce paternelle encore en tête, et se hâta d'évaluer la situation : le jeune homme qu'il avait vu ce midi même était là, ainsi qu'une grande stagiaire aux cheveux verts. Pas de Maylea à l'horizon.
Son cœur se serra ; que se passerait-il si elle n'était pas là ?Mais il se souvint d'une chose : le monde lui appartenait, désormais. Il devait en profiter.
Alors, sans rien demander à personne, il alla prendre place à la terrasse, comme à son habitude, et attendit en sifflotant que quelqu'un vienne prendre sa commande. Mais même au bout de dix minutes, personne ne vint. Le jeune homme, loin de se décourager, se leva pour aller râler un peu auprès de l'hôtesse, quand soudain, il la vit : Maylea.
Elle ne l'avait pas vu, elle. Elle était au fond de la brasserie, et notait sur son petit calepin la commande des clients assis sur des banquettes marron clair.Anael feignit alors de ne pas avoir remarqué sa présence, et commanda donc auprès de la jeune femme aux cheveux verts.
- Je voudrais un café serré, s'il vous plaît, dit-il avec aisance.
- Je suis désolée, il faut que vous commandiez auprès d'un de mes collègues, répondit-elle d'un ton monocorde, en levant à peine les yeux vers lui.
Le jeune homme fut totalement pris de court. Il ne savait pas quoi rajouter. En voyant que l'hôtesse retournait à son travail, indifférente à sa présence, Anael, se souvenant de ce que lui avait dit son père alors qu'il n'était qu'un adolescent boutonneux, se ragaillardit, et se rapprocha du visage de la dame aux cheveux couleur de pomme délavée par-dessus le comptoir.
- Ecoutez-moi bien, j'ai beaucoup de choses à faire ces temps-ci, et il est hors de question que je me déplace pour aller chercher un serveur ! Et puis, le client est roi, après tout, et je pense que votre patron serait loin d'être ravi en apprenant qu'une de ses employées n'a pas voulu prendre une commande, argumenta-t-il, presque sournois.
- Très bien, je... J'appelle quelqu'un. May ! Viens voir ! s'écria-t-elle, paniquée.
Maylea tourna la tête vers celle qui l'appelait, et se hâta de se présenter au comptoir. En la sentant si proche de lui, Anael se mit à rougir.
- Oui, qu'est-ce qu'il y a ? questionna-t-elle à l'adresse de l'hôtesse.
- Ce... client désire un café serré, dit la jeune femme en désignant Anael d'un signe de tête.
La nouvelle venue posa alors son regard si pur sur le jeune homme, et son visage s'éclaira d'un sourire :
- Ca alors ! C'est vous ! Qu'est-ce qui vous amène ici ? demanda-t-elle, toute joyeuse.
- Et bien, je... J'ai beaucoup apprécié le café, hier, balbutia le jeune homme en oubliant au passage son ego tout nouvellement acquis.
Maylea sourit de plus belle.
- Je suis contente de vous revoir ici, dit-elle. Je vous amène le café tout de suite !
Puis elle partit dans un nuage de cheveux bouclés.
" Elle m'a parlé, songea Anael. Et elle est contente de me revoir !"
C'est donc plus qu'heureux que notre cher Anael partit s'asseoir sur la terrasse, comme à son habitude.
***************************************************
Hello !
J'espère que vous allez bien !
Tout d'abord, je tiens à m'excuser pour ces mois d'inactivité. En réalité, cela fait longtemps que j'ai écrit le début de ce chapitre, mais la suite date d'aujourd'hui ;)
Et du coup, je vous ai concocté un chapitre plus long que d'habitude pour me faire pardonner <3
Alors ? Comment trouvez-vous ce nouvel Anael, beau, fort et sûr de lui ? Personnellement, je l'aime bien, ça change de son caractère habituel ^-^
A bientôt j'espère !
~ Loulou.
P.S : J'ai inscrit cette histoire au concours The Totallys, pour avoir un avis constructif, alors si vous voulez me dire en détail ce que vous pensez d'"Ephemeral", n'hésitez pas ! Ca me ferait vraiment plaisir ;)